Critique : Tranchées

Sur la ligne de front du Donbas, les soldats du 30ème bataillon de l’armée ukrainienne affrontent des séparatistes soutenus par la Russie. Le réalisateur Loup Bureau nous plonge dans cette expérience de guerre, à hauteur d’hommes et au cœur des tranchées. Là où chacun doit à la fois se protéger de la mort, mais aussi tenter de recréer une normalité dans l’univers anormal du conflit.

Tranchées
France, 2021
De Loup Bureau

Durée : 1h25

Sortie : 11/05/2022

Note :

TERRE ET CENDRES

Où va cette personne qui marche lors du premier plan du long métrage ? La caméra suit attentivement ses pas avant que celle-ci n’entre dans une tranchée. C’est là que se déroule le documentaire du Français Loup Bureau, reporter de guerre qui signe ici son premier long. Bureau est auprès des soldats, sur la ligne de front, tandis que les bombardements ont lieu à deux pas. Est-ce un orage ou est-ce une bombe ? Le cinéaste filme l’angoisse au cœur des tranchées, au plus près du conflit et au plus près des hommes – la guerre est ici racontée comme on l’a assez rarement vue.

Il y a dans Tranchées un étrange jeu sur la temporalité. C’est un film en noir et blanc, et cette utilisation convoque un imaginaire relié au passé, tout comme ce décor de tranchées qui renvoie à la Première Guerre Mondiale. On évoque les guerres connues par les parents. C’est bel et bien l’instant présent que le cinéaste saisit. Le conflit au Donbass, relativement peu médiatisé, est remis en lumière par Loup Bureau, et prend une résonance encore plus forte avec l’actuelle attaque menée par la Russie depuis février. Le film parvient à parler d’autrefois, d’un hier tout proche, mais aussi de ce qui a fini par arriver après le tournage.

Pourtant, et c’est peut-être le tour de force de Bureau, Tranchées raconte aussi la simple vie de tous les jours. Le silence et le vent dans les arbres. Les chatons auprès des soldats, les vidéos idiotes trouvées sur internet. Les champs bucoliques, le no man’s land apparemment paisible. Comment l’insensé peut-il s’inscrire peu à peu dans le quotidien ? Les heures se suivent, les silhouettes se dessinent entre jour et nuit. Le 4/3 dépeint l’espace restreint, se concentre sur les visages, tandis qu’on rêve de l’après : ira-t-on picoler ou à la pêche ? Mais le conflit violent et « gelé » que Loup Bureau raconte, et qui constitue déjà un précieux témoignage, prend une autre dimension encore lorsqu’on mesure l’escalade tragique et actuelle.

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par Nicolas Bardot

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