Xingxi (Brooke), chinoise, voyage seule à Alor Setar, au nord de la Malaisie. Elle y vit trois aventures distinctes, et comme parallèles, dont le point de départ est identique : une journée de grande chaleur, au bord d’un chemin perdu, elle est victime d’une crevaison de vélo…
3 aventures de Brooke
Chine, 2018
De Yuan Qing
Durée : 1h40
Sortie : 15/01/2020
Note :
CONTES D’ÉTÉ
Xingxi, qui se fait également appeler Brooke, est une jeune femme chinoise en voyage dans un coin perdu de Malaisie. Un endroit, dit-on, où même les Malaisiens ne vont pas. Avec ses couleurs chatoyantes et son diorama géant qui fait tourner la tête, Xingxi semble presque prisonnière d’une Malaisie factice. La réalisatrice, Yuan Qing (lire notre entretien), est, elle, parfaitement libre. Libre de raconter une première fois l’histoire de Xingxi, puis une deuxième et une troisième en variant à partir d’un même point de départ. On pense aux jeux narratifs émouvants d’un Hong Sangsoo, et par ricochets, au modèle d’Eric Rohmer.
Il y a trois récits en un dans 3 aventures de Brooke. Il y a une fable morale, une farce absurde et un drame réaliste – même si chacun finit à un moment ou un autre par s’échapper de ces cases. En gros, 3 aventures de Brooke ressemble à une relecture et une exploration, trente ans plus tard et à l’autre bout du monde, de Quatre aventures de Reinette et Mirabelle, de L’Arbre, le maire et la médiathèque et du Rayon vert. Les aventures féminines et lunaires du premier segment, les considérations architecturales du second et la quête de larmes bleues comme on chercherait un rayon vert dans le troisième ne laissent guère de doutes quant à la filiation-hommage.
3 aventures de Brooke est un film très ludique qui laisse une place précieuse à la fantaisie. Yuan Qing, comme Rohmer, parvient elle aussi à saisir cette grâce émouvante derrière la légèreté. Son héroïne qui semble d’abord futile choisit en fait d’être sotte et d’avoir mauvaise mémoire. D’oublier les mauvais souvenirs. De croire aux singes esthètes et aux cristaux magiques. Et il y a beaucoup de bienveillance dans le doux regard porté par la réalisatrice.
Celle-ci nous a confié en interview avoir choisi cet endroit car il ressemble à un Pékin qui n’existe plus. Il existe à nouveau, en quelque sorte, sous sa caméra, comme son héroïne d’abord fragile se déploie une première, une deuxième, une troisième fois. Cette architecture fragile et apparemment modeste aboutit à un résultat ambitieux et finalement tout-puissant. « Les gens que vous rencontrez sont les reflets de votre état d’esprit », lui confie comme un indice une diseuse de bonne aventure. Yuan Qing ouvre le cœur de son héroïne et en offre les différents reflets – un beau cadeau qu’on ne saurait refuser.
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par Nicolas Bardot