Richard Marsh, un essayiste reconnu spécialiste des groupes religieux extrémistes, est en pleine procédure de divorce. Au cours de ses nombreuses recherches, il est tombé amoureux de Grace, l’unique survivante d’un suicide collectif perpétré au sein d’une secte, et veut l’épouser. Les deux enfants de Richard éprouvent du ressentiment envers Grace. Malgré leurs différents, ils se retrouvent dans un chalet isolé afin de célébrer Noël ensemble. Alors que l’atmosphère se réchauffe entre eux, des événements de plus en plus étranges et effrayants se multiplient…
The Lodge
Etats-Unis, 2019
De Veronika Franz & Severin Fiala
Durée : 1h47
Sortie : 15/07/2020 (en dvd)
Note :
HAVRE DE GUERRE
Une chaumière isolée, un frère et une sœur orphelins, une belle-maman redoutable : les ingrédients du conte de fée sont présents dès le début de The Lodge. Mais le vent entêtant de l’étrangeté souffle déjà derrière les vitres du chalet, et ces cartes bien connues vont vite être redistribuées avec une réjouissante cruauté. Voyez la famille Marsh, au moment où elle tente de recoller les morceaux comme elle peut après un traumatisme : il y a le père à qui on reproche de se comporter comme un monstre sans cœur, la future belle mère dont la rumeur dit qu’elle est un véritable monstre, et les innocents enfants, eux-mêmes filmés comme des monstres, le temps d’un plan aux éclairages expressionnistes. Le ver est dans le fruit, mais de quel côté faut-il avoir peur?
On aurait pu craindre que les Autrichiens Veronika Franz et Severin Fiala risquent de perdre de leur aspérité grinçante en passant de la langue allemande à une production anglophone, et en travaillant avec un nouveau coscénariste (Sergio Casci, auteur de The Caller, sélectionné à Gérardmer en 2012). Il n’en est rien. Des aspérités, les cinéastes en ont autant à revendre que dans Goodnight Mommy. Outre ce personnage clin d’œil de fausse maman/grand méchant loup, on retrouve dans leur nouveau film le même sens aigu de la direction artistique (on rêve de visiter cette inquiétante maison), et surtout leur science du rythme sans égale. Dans cette maison de poupées taille adultes,le mystère paranoïaque tisse savamment sa toile ménageant de saisissants éclats.
Réchappée d’une secte, belle-maman erre dans cette cabane dans les bois comme une somnambule accrochée à ses médocs. Le film est lui-même comme sur le point de chavirer, tanguant nerveusement le long d’une hésitation fantastique. Franz et Fiala brouillent les pistes en plaçant leur caméra derrière des surfaces opaques ou, plus troublant, dans des angles aigus en contre-plongée. Comme dans tous les bons huis-clos, l’espace physique traduit l’espace mental des personnages, et à travers leur regard féroce et fascinant, le moindre recoin de ce chalet cosy devient un nid d’angoisse.
The Lodge est lui-même un film dont les angles ne sont pas arrondis. Les personnages n’y sont pas rendus artificiellement attachants ou héroïques, comme dans une production américaine. Ici chacun se débat avec la peur de l’extérieur et un sale refoulé qui remonte à la surface, mais c’est comme si personne ne méritait réellement d’être sauvé. Plutôt que des havres de paix auxquels on s’efforce de croire à tout prix, la famille et la foi sont des prisons qui rendent fous, des mécanismes pervers qui réveillent chez chacun une monstrueuse violence.
>>> The Lodge est à voir en ligne sur la plateforme d’Orange
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par Gregory Coutaut