Critique : Hijo de Sicario

Après l’assassinat d’un sicario dans une petite ville mexicaine, Sujo se retrouve orphelin et échappe de justesse à la mort grâce à sa tante qui l’élève à la campagne. À l’adolescence, la rébellion s’éveille en Sujo et il rejoint le cartel local. L’héritage de son père semble alors rattraper son destin.

Hijo de Sicario
Mexique, 2024
De Astrid Rondero et Fernanda Valadez

Durée : 2h06

Sortie : 21/08/2024

Note :

DESTINÉE

Sujo (titre original du long métrage) est d’abord le nom d’un cheval qui, une nuit où le ciel lui-même semble crépiter d’excitation, parvient à défaire ses liens et s’enfuir dans la campagne mexicaine. Sa course en liberté l’amène à croiser un enfant dont la présence dans cette campagne crépusculaire n’est pas moins étonnante. Puis, cette majestueuse introduction en forme de conte à la magie prometteuse est coupée net par une ellipse de taille : nous voilà soudain au chevet d’un autre petit garçon, lui aussi nommé Sujo. Quel lien entre ces deux garçonnets ou entre ces deux Sujos ? On a à peine le temps de se lancer en conjectures que le film redémarre déjà à toute allure.

Le fil narratif ne tarde cependant pas à s’imposer clairement. Élevé par sa tante depuis le meurtre de son père par les membres d’un cartel, Sujo grandit avec le désir fou d’une porte de sortie quelconque. Coûte que coûte, il réussira là où son père a échoué : fuir la violence auquel son genre et son milieu social le condamnent. Dans ce coin isolé du Mexique, les petits garçons ont beau jouer à des jeux innocents de leur âge comme partout ailleurs, les adultes autour d’eux ont l’œil lourd de ceux qui savent déjà que les choix d’avenir sont extrêmement limités. Le ciel a beau être immense et étoilé au-dessus de leur tête, ce désert sauvage est une prison.

Les réalisatrices mexicaines Astrid Rondero et Fernanda Valadez s’étaient fait remarquer il y a deux ans avec l’excellent Sans signe particulier. Coécrit à quatre mains et réalisé par Valadez, ce puissant récit d’apprentissage débutait de façon très réaliste pour opérer un basculement stupéfiant à mi-parcours. Sans trop en révéler, ce nouveau long métrage fait en quelque sorte le cheminement inverse. Un voile fantastique flotte en effet au-dessus des premières années de la jeunesse du protagoniste, notamment grâce à un personnage de tante dont la rumeur dit qu’elle serait lesbienne ou sorcière, voire les deux. Il y a quelque chose d’un petit peu frustrant à voir ainsi l’imagination tout en sous-entendus de la première partie laisser place à un récit plus terre-à-terre, mais le dénouement n’en reste pas moins écrit avec soin.

Si Hijo de Sicario continue de surprendre malgré tout, c’est en laissant progressivement place à un optimisme rare dans ce type de récit. Il est beaucoup question de violence dans la vie du protagoniste mais celle-ci est en effet toujours laissée hors-champ, ce qui ne veut pas dire que le film manque de nerf. Il y a là et jusqu’au bout quelque chose d’imprévisible et sauvage, ce qui ne manque pas d’audace pour un film traitant justement du poids du déterminisme social. Avec ces scènes brèves, son montage vif, son travail remarquable sur les ombres chaleureuses ou inquiétantes, Hijo de Sicario baigne jusqu’au bout dans une brillante poésie fiévreuse.

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par Gregory Coutaut

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