Mostra de Venise | Critique : Songs of Slow Burning Earth

Des paysages, des conversations, des rencontres occasionnelles, et des sons qui se faufilent dans et hors du cadre composent ce journal audiovisuel de l’Ukraine dans l’abîme de la guerre.

Songs of Slow Burning Earth
Ukraine, 2024
D’Olha Zhurba

Durée : 1h35

Sortie : –

Note :

EN RECONSTRUCTION

La guerre, et après ? Les images-choc du début de la guerre en Ukraine, du déplacement des populations ukrainiennes à la destruction des villes par l’armée russe ont beaucoup été diffusées dans les médias, mais quid de l’après ? Quid de la vie qui continue en dépit de tout ? Songs of Slow Burning Earth s’inscrit avec succès dans cette nouvelle famille contemporaine de documentaires ukrainiens (In Ukraine, Intercepted) qui privilégient l’immersion dans des images urgentes au commentaire et à l’analyse verbale, afin de donner à voir une réalité absente de nos écrans.

La cinéaste ukrainienne Olha Zhurba a tourné pendant plus de deux ans aux quatre coins du pays. Ses images brassent large, géographiquement comme humainement, les paysages gigantesques et les gros plans sur les visages s’alternent dans un vertige sans prévisibilité. Zhurba présente ici les choses dans l’ordre chronologique. Les toutes premières images de ce documentaire ne sont même pas des images, sur fond noir, on entend les enregistrements des premiers appels aux services d’urgences par des citoyens complètement dépassés par les premiers bombardements : « Pouvez-vous m’expliquer ce qui se passe s’il vous plait ? » pleure une voix anonyme.

Suivent des images de trains bondés où l’on essaie à tout prix de trouver une place, mais le film n’a pas besoin d’avoir recours à des scènes éprouvantes pour toucher juste. Il suffit d’un cri venant percer le silence ou d’un seul visage en larmes derrière un volant pour créer un portrait collectif poignant. Si cette première partie possède la force de ces situations violemment exceptionnelles, Songs of Slow Burning Earth trouve une  puissance supplémentaire dans son déploiement. La réalisatrice chronique ce qu’on n’avait jamais vraiment vu : la fébrilité de la vie qui reprend sur la pointe des pieds. On pétrit du pain alors que retentissent des alarmes, on dessine en classe alors qu’on est interrompu par un raid aérien, on va se baigner mais on va aussi identifier ses proches à la morgue.

Le temps d’une scène, Zhurba filme des corps en rééducation, des personnes amputées qui réapprennent à marcher avec leur prothèse. C’est là une métaphore de la société ukrainienne telle qu’elle la filme : en pleine reconstruction, réinvention, renaissance. Sans naïveté, la force du documentaire épouse cette transformation : les silences du début font place à des cris, puis de brefs monologues et enfin des dialogues. Si Songs of Slow Burning Earth demeure radical dans son absence de commentaire ou explication, le passionnant résultat s’avère finalement très accessible et chaleureux. En un mot, vivant.

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par Gregory Coutaut

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