Critique : Quién te cantará

Lila Cassen, ancienne star de la chanson des années 90, prépare son grand retour sur scène. Mais un accident la rend alors amnésique. Avec l’aide de Violeta, sa plus grande fan et imitatrice, Lila va apprendre à redevenir qui elle était.

Quién te cantará
Espagne, 2018
De Carlos Vermut

Durée : 2h02

Sortie : 24/10/2018

Note : 

LA JEUNE FILLE ET LA MORT

On avait déjà repéré le talent et la personnalité de Carlos Vermut avec son précédent film, le fort curieux La Nina de fuego. Un film qu’on avait trouvé joyeusement difficile à ranger dans une seule case, avec une héroïne toujours prête à basculer dans la folie. On croit savoir à quoi s’attendre face à son nouveau film, Quien te cantara, avec son histoire de transfert féminin, avec ces éléments de mélo espagnol qui font forcément penser à vous-savez-qui, et pourtant ce film-là aussi est prêt à mordre.

Quien te cantara est un film sur les faux semblants, fait lui-même de faux semblants. Derrière les codes du film noir, derrière ceux du mélo flamboyant et camp, derrière ces symboles et ces dialogues parfois un peu trop lisibles (« Tu ne sais même pas qui je suis« ), il y a un autre film tapi, prêt à bondir. Un film plus sauvage et méchant, qui ne se dévoile pas immédiatement. Face au principal triangle féminin, c’est le quatrième personnage, celui de la fille adolescente de Violeta, qui va peu à peu jouer le rôle du grain de sable qui fait dérailler. C’est lui qui donne au film ce relief cruel et inattendu. C’est là que se trouvent les virages les plus secs et excitants d’un film qui en possède déjà plus d’un.

Du playback, du karaoké, des perruques, des reflets dans la vitre, et même un plan hommage à l’un des plus célèbres de Rebecca… Vermut s’amuse et nous aussi, avec ces tours de passe-passe ludiques. Mais ces tours de magie ne sont pas qu’une illusion éphémère et superficielle. Derrière les jeux narratifs, il y a une réalité plus dure. Entre ces rêves qui se réalisent, ces mensonges qu’on se raconte et les manigances qu’on ourdit, il y a surtout une ronde de solitude. Quien te cantara est un film sans homme, et l’histoire souterraine du film est celle de ces différentes générations de femmes hantées par la mort. Celle qu’on subit et celle qu’on donne. Le résultat est un film à plusieurs facettes, une danse curieuse, par moment chatoyante, brutale et émouvante.

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par Gregory Coutaut

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