Critique : Queendom

Gena, artiste queer incomparable, bouscule les codes grâce à des tenues vestimentaires venues d’un autre monde, le sien. Cet artiste se promène dans les rues de Moscou et fait face à ses pantins autoritaires. Ses performances radicales ne laissent personne indifférent. Dans un pays où la démocratie est en danger, où le rejet de l’autre devient la normalité, où la peur nourrit les discours haineux, Gena n’abandonne jamais la lutte et continue de clamer, à sa façon, le droit à la différence.

Queendom
Russie, 2023
De Agniia Galdanova

Durée : 1h38

Sortie : 01/01/2025

Note :

ESPACE PUBLIC

Dans une banlieue de Moscou aux bâtiments durs et anonymes, où l’épaisseur de la neige ne parvient pas à cacher la morosité ambiante, l’ennui environnant est soudain brisé par une apparition. Telle une créature extraterrestre timide et gracieuse, Gena Marvin sort d’un immeuble comme si elle déboulait d’une autre dimension. La reine, c’est elle, c’est d’ailleurs ainsi que la surnomme ironiquement la femme qui l’accompagne pour ce qui se révèle être une séance de photo en extérieur. Mais sur quoi Gena règne-t-elle exactement ? Quel est ce royaume auquel fait référence le titre de ce documentaire?

Les performances artistiques Gena Marvin sont uniques, alors même qu’elles n’ont précisément l’air de rien. Dans d’impressionnants costumes d’alien androgyne, fabriqués avec les moyens du bord et pourtant très élégants, Gena se contente de… marcher. Dans la rue, au parc, au supermarché, n’importe où dans ce qui est supposé être un espace public. La caméra de la réalisatrice Agniia Galdanova capte les têtes qui se retournent, les regards parfois fascinés ou amusés, mais aussi les réactions ouvertement hostiles et même des agressions physiques. Tout ça pour avoir calmement marché sur quelques mètres. Voilà le royaume de Gena.

Queendom n’est pas un documentaire sur l’art du drag. S’il arrive effectivement à Gena d’employer le mot drag pour se décrire, ses performances poétiques mais nées dans la douleur et l’urgence évoquent davantage une forme d’activisme politique. A travers Gena, Queendom fait le portrait de la Russie d’aujourd’hui, un pays qui est « devenu comme une prison », où les habitants « ont la peur dans l’adn ». Un pays où, en plus d’être omniprésente dans le rue, l’armée est le seul horizon possible pour tous les jeunes hommes. Agniia Galdanova nous transmet de l’intérieur des images qui arrivent rarement à nos yeux telles des manifestations illégales anti-guerre et anti-Poutine. Le résultat est un puissant documentaire, où l’atmosphère parfois rêveuse parvient à cohabiter avec un sentiment de colère contagieux.

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par Gregory Coutaut

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