Festival Biarritz Amérique Latine | Critique : Piedra noche

Il y a moins d’un an, le fils de Greta a mystérieusement disparu en mer. Tandis qu’elle et son mari Bruno sont aux prises avec leur deuil, leur amie Sina se rend sur la côte pour les aider à vendre leur maison. Alors qu’ils emballent tout et s’apprêtent à déménager, Bruno affirme avoir vu quelque chose confirmant la rumeur qui circule parmi les habitants : une forme étrange venant de la mer…

Piedra noche
Argentine, 2021
De Iván Fund

Durée : 1h27

Sortie : –

Note :

SOUS LE SABLE

Piedra Noche se déroule au bord d’une gigantesque plage plombée par un ciel gris, presque blanc. Une plage qui pourrait être paradisiaque mais dont la nudité immense crée au contraire un étrange vertige. Comme si ce triste banc de sable était abandonné, maudit. Scrutée à travers des plans qui paraissent plus panoramiques qu’ailleurs, cette plage ressemble pourtant davantage à une énigme : celle d’un trauma dont résolu. Ce mystère non-cicatrisé, c’est peut-être celui de cette légende pour touristes qui veut que la région possède l’équivalent local au monstre du Loch Ness, c’est surtout celui qui entoure la disparition en mer du jeune fils de Greta et Bruno.

Greta et Bruno vivent toujours au bord (très littéralement au bord, à tel point que c’en devient étrange) de l’océan où leur fils s’est noyé, mais plus pour longtemps. Avec l’aide d’amis, ils s’apprêtent à enfin déménager et à tenter de tourner la page. L’heure est aux sourires, même si ceux-ci sont trop crispés pour vraiment convaincre. Aux plans larges des étendues de sable répondent des plans resserrés où les personnages sont isolés et filmés de biais, donnant lieu à un contraste remarquable. Même dans les scènes de groupe, chacun semble perdu. Ce n’est pas tant que les personnages ont encore l’air accablés de deuil, c’est plutôt qu’ils ont l’air d’avoir la tête ailleurs, d’être en train de résoudre dans leur tête une entêtante charade. Avant même que la caméra les surprennent en train de fouiller la plage à la recherche d’on ne sait quoi, ils ont déjà l’air de négocier.

Iván Fund (Los labios, Toublanc) est un cinéaste qui a du style, et Piedra noche n’est pas un film empesé de tristesse, c’est un film réaliste qui est au contraire balayé par un étonnant vent fantastique. Cela s’opère grâce à une écriture qui ose ellipses et grands écarts, mais aussi grâce à une mise en image étonnante. Cette histoire de secrets et de croyances privées, Fund la filme paradoxalement avec une lumière pale d’une clarté presque aveuglante (et pour tout dire pas toujours très plaisante). Comme s’il cherchait à capter quelque chose d’indicible, ou plutôt comme si les sentiments des personnages étaient illico rangés sous le tapis avant même qu’on ait le temps de les reconnaître. Le film fait le pari d’épaissir le mystère plutôt que de le résoudre, laissant des questions en suspens. C’est sa limite un peu frustrante, mais c’est aussi un moyen élégant de mettre en scène le pacte intime et inexplicable que chacun fait avec son propre passé.

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par Gregory Coutaut

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