Dans une région rurale aux confins de l’Ukraine, Pamfir, véritable force de la nature, retrouve femme et enfant après de longs mois d’absence. Lorsque son fils se trouve mêlé à un incendie criminel, Pamfir se voit contraint de réparer le préjudice. Mais devant les sommes en jeu, il n’a d’autre choix que de renouer avec son passé trouble. Au risque de tout perdre.
Le Serment de Pamfir
Ukraine, 2022
De Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk
Durée : 1h42
Sortie : 02/11/2022
Note :
IL EST DIFFICILE D’ÊTRE UN DIEU
Pamfir est une divinité : on chante ses louanges et ses faits de gloire, Pamfir a dit-on la force de cent hommes et peut renverser tous ses adversaires, il est revenu parmi les siens mais ne semble pas être tout à fait humain. Pamfir est d’ailleurs un surnom donné à Léonid, prénom qui semble trop simple et trop étriqué pour le héros du premier long métrage signé par l’Ukrainien Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk. Incarné avec un charisme incandescent par Oleksandr Yatsentyuk, Pamfir est une masse virile, un colosse mythique qui est de retour après une longue absence dans son village d’Ukraine. Dieu n’inflige pas davantage aux hommes que ce qu’ils peuvent supporter, mais qu’est-ce qui, au juste, pourrait bien faire vaciller Pamfir ?
Il est difficile de faire rentrer le long métrage dans une seule case – et c’est l’une de ses qualités les plus remarquables. C’est certes un drame politique et sombre à la frontière de l’Ukraine et de la Roumanie. Mais c’est aussi un postulat de western et un thriller d’arnaqueurs ; le film contient des touches de comédie absurde et peut virer au pur film d’action tandis qu’enfle petit à petit une tension de folk horror. On peut tout à fait saluer la capacité de Sukholytkyy-Sobchuk à varier les tons sans enfermer son film dans un genre – le résultat sait être aussi imprévisible qu’excitant.
La caméra très mobile ainsi que les plans séquences sont assez naturellement impressionnants et donnent du souffle à ce long métrage dont le chef opérateur a, par ailleurs, travaillé sur des clips pour Lizzo et Cardi B. Mais cela peut aussi constituer une limite. Le Serment de Pamfir est un film très dialogué, avec une caméra dont on sent tout le temps la présence. On dit et on montre beaucoup, le résultat est dense, rempli… mais flirte avec une certaine lourdeur. Un peu trop occupé à montrer ses (beaux) biceps, Pamfir manque de respiration, de vide, d’espace laissé au spectateur. Le film commande avec autorité mais on aimerait aussi pouvoir nous frayer notre propre chemin jusqu’à son cœur.
Si, comme on l’a dit, le film ne s’enferme jamais dans un genre, il reste un peu prisonnier des sempiternels motifs liés aux relations père-fils, leurs dilemmes et leurs traumas – soit l’un des sujets les plus épuisés de l’Histoire du cinéma. Le Serment de Pamfir fait preuve de beaucoup moins d’invention à cet égard et devient alors trop trivial. Il y a pourtant là un accomplissement assez frappant dans ce récit aussi mythologique que politique, une qualité magnétique, un certain vertige lorsqu’on se retrouve happé dans une scène de célébration ancestrale : un carnaval où chacun revêt un costume et un masque symboliques. Au bout de la tragédie, que peut révéler le masque brisé de Pamfir ? Même imparfait, le portrait composé par le cinéaste a une captivante ampleur.
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par Nicolas Bardot