Festival de Busan | Critique : Our House

Seri, 14 ans, vit avec sa mère dans une petite ville près de l’océan, dans une petite maison en bois, aux portes coulissantes, aux murs en papier et aux tatami en paille – une maison pleine d’histoire. Deux femmes se rencontrent en sortant d’un ferry. L’une semble perturbée, elle dit avoir perdu la mémoire. Elle ne se rappelle que de son nom: Sana. L’autre femme, Toko, lui propose de se reposer chez elle. Sa maison est identique à celle de Seri, seul l’ameublement diffère subtilement…

Our House
Japon, 2018
De Yui Kiyohara

Durée : 1h20

Sortie : –

Note : 

LA MAISON AUX FENÊTRES QUI RIENT

« Cette maison est vivante » : la réplique, entendue dans Our House, est à la fois le seul indice vraiment évident donné dans ce premier long métrage de la Japonaise Yui Kiyohara et reste pourtant tout à fait allégorique. Si la photographie est « un secret à propos d’un secret » pour Diane Arbus, le principe semble tout à fait s’appliquer au cinéma de cette élève de Kiyoshi Kurosawa. Comme son maître, Kiyohara apporte un soin particulier au cadre, et à l’hésitation fantastique que les choix formels précis peuvent faire naître. Cette dimension naît d’un rien, et la toute jeune cinéaste (qui signe ici son premier long métrage) parvient à stimuler l’imaginaire avec très peu de moyens – et un vrai talent de cinéma.

L’image (superbe) de Our House semble en permanence être nimbée d’un voile de lumière à la fois très doux et mystérieux. Il est vrai qu’il s’agit là d’un des pitchs les plus mystérieux qui soient : deux histoires distinctes ayant lieu dans une même maison, sans que l’on sache si elles se déroulent à des époques différentes ou des réalités parallèles. C’est l’un des grands écarts de ce film apparemment extrêmement modeste et pourtant très ambitieux, aux effets d’un minimalisme radical mais qui convoque film de maison hantée et SF à paradoxes temporels.

La dimension fantomatique est une piste évidente de Our House. Les protagonistes y sont perdues, seules, amnésiques et affirment même avoir vu un spectre. Est-ce déjà Noël ? D’où vient cette mélodie qu’on entend ? Quelle est cette « lumière qu’on ne voit pas? ». « Tout se dissout dans l’océan », entend-on parmi les très étranges répliques du film. Si Our House manque parfois de dynamisme, il ne manque pas de poésie, à l’image de cette superbe escapade vers la plage, ce chemin parmi la végétation qui rappellerait presque une des scènes du Voyage de Chihiro (autre film de vraies/fausses dimensions parallèles).

Our House semble aussi fragile qu’un origami, mais le film est gonflé, joueur et généreux. Sa périlleuse narration polyphonique est minutieusement construite jusqu’à un finale très réussi – et qui se caractérise là encore par un mélange de ludisme, d’élégance et d’étrangeté. A t-on besoin de préciser qu’il s’agit là d’un talent à suivre ?

>> Our House est présenté dans le cadre du focus Discovering New Japanese Cinema au Festival de Busan

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par Nicolas Bardot

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