A voir en ligne | Critique : Ondine

Ondine vit à Berlin, elle est historienne et donne des conférences sur la ville. Quand l’homme qu’elle aime la quitte, le mythe ancien la rattrape : Ondine doit tuer celui qui la trahit et retourner sous les eaux…

Ondine
Allemagne, 2020
De Christian Petzold

Durée : 1h30

Sortie : 23/09/2020

Note :

ROMAN(ESQUE) NATIONAL

Tous les protagonistes des films de Christian Petzold sont des spectres, au sens propre ou figuré. Des êtres empêchés, coupés du monde et des autres par une frontière fantastique infranchissable, et ce même dans les cadres les plus anodins tel un centre-ville à la modernité anonyme. Petzold retrouve d’ailleurs ici des lieux qu’il transformait déjà en terre de légendes dans son film Fantômes : le quartier berlinois glacé de Mitte. Par un singulier hasard linguistique, on serait d’ailleurs tenté d’entendre à la place le mot… « mythe ».

Il y a justement deux mythes à l’œuvre dans ce nouveau film. Il y a bien sûr celui de l’héroïne éponyme, qui mène à la mort ceux qui l’aiment, brillamment interprétée par Paula Beer. Mais la ville de Berlin, son histoire et son architecture, sont également abordés comme un mythe. Dans le musée où travaille Ondine, on raconte en chuchotant – comme un conte – l’évolution visuelle de la capitale. Berlin y est narré comme une ville faite d’Histoire et d’histoires, où le passé n’est jamais très loin sous la surface, prêt à resurgir de derrière les façades faussement anciennes bâties çà-et-là pour masquer « la douleur fantôme de l’Histoire », selon une formule qui pourrait résumer avec brillance la filmographie du cinéaste.

Berlin est une maquette géante dans le bureau d’Ondine. C’est également presque une maquette à travers la fenêtre de sa chambre. De fait, Ondine promet la mort à qui l’éconduit, comme si elle était maitresse de ce terrain de jeu géant. Elle ploie pourtant autant que ses amants sous le poids de cette malédiction. Poursuivie par des bruits aquatiques même en plein air, elle rappelle d’ailleurs une autre prisonnière post-mortem de Petzold : l’héroïne noyée du fantastique Yella, déjà une allégorie d’un traumatisme national.

Mais depuis Yella, le cinéma de Petzold a évolué, jusqu’à devenir le plus romanesque de toute l’École de Berlin. Or, il y en a du romanesque dans Ondine : des coups de foudre, de la romance de conte de fées, et même l’écho de divertissements magiques comme Vingt Mille Lieues sous les mers ou La Créature du lagon noir, tous deux cités en référence. L’amour finit par prendre lui aussi des dimensions mythiques : il relie passé et présent, il est un graffiti que le temps ne pourra jamais effacer, il prend la vie et ramène à la vie, il change les villes comme les Hommes. Porté par les performances charismatiques de deux des meilleurs comédiens du moment, Ondine est une nouvelle preuve que, derrière un masque spectral, le cinéma de Petzold est en réalité particulièrement émouvant.


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par Gregory Coutaut

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