Festival de Toronto | Critique : On Becoming a Guinea Fowl

Sur une route déserte au beau milieu de la nuit, Shula tombe sur la dépouille de son oncle. Alors que des funérailles se préparent, Shula et ses cousines mettent en lumière les secrets enfouis de leur famille de la classe moyenne zambienne.

On Becoming a Guinea Fowl
Zambie, 2024
De Rungano Nyoni

Durée : 1h35

Sortie : –

Note :

QUESTION D’EQUILIBRE

Dans son premier long métrage, le très remarqué I Am Not a Witch, la réalisatrice anglo-zambienne Rungano Nyoni filmait avec beaucoup de réalisme un récit tissé de folklorisme surréaliste. On pourrait presque dire que c’est la formule inverse qu’elle a élue pour son second long métrage, On Becoming a Guinea Fowl, car c’est cette fois la mise en images qui sert avant tout de moteur à l’imagination. En effet, la manière dont débute le film est intrigante, appétissante même. De nuit, au volant de sa voiture, Shula porte la même tenue gonflable et le même casque futuriste que Missy Elliott dans le clip de The Rain. Devant sa voiture, un cadavre, celui de son oncle. Sur son visage, aucune trace de trouble ou de tristesse. Mission mystère, en veux-tu… en voilà ?

Oui et non. Il y a effectivement un sens étonnant de l’ambiguïté à l’œuvre dans le récit d’On Becoming a Guinea Fowl, mais la manière dont on passe ici de la métaphore au tangible, de l’éclat à la sourdine, est étrangement dosée. Le film obéit à une structure particulière, passant de la parabole presque irréelle et non dénuée d’humour à un récit de plus en plus terre-à-terre  et terrible. On dit que la pintade (en anglais, la Guinea Fowl qui donne au film son titre international) est un animal capable de sonner l’alarme et de prévenir les autres animaux de la présence d’un prédateur aux alentours. Au contraire, Rungano Nyoni n’envoie pas de signal clair sur la nature du danger qui rôde autour de Shula (l’héroïne porte le même nom que celle d’I Am Not a Witch). Tout est sous-entendu entre les lignes, quitte à glisser parfois un peu trop entre les doigts.

A force d’aller vers la retenue, le récit d’On Becoming a Guinea Fowl est parfois frustrant. Or, le film bénéficie en échange de deux atouts de taille. Tout d’abord un casting très investi (dans le rôle de la cousine toujours bourrée, Elizabeth Chisela est une authentique voleuse de scène), puis une direction artistique chatoyante. Celle-ci apporte à l’ensemble un relief pop qui étonne dans un récit parlant de l’impunité des violences faites aux femmes et aux enfants. Drame féministe à la fois plus sérieux et plus accessible qu’il n’y parait à première vue, ce film-là est un étrange cocktail. 

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par Gregory Coutaut

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