Festival de Locarno | Critique : Olivia & Las Nubes

Olivia, hantée par un amour passé qui vit sous son lit, échange avec lui des fleurs contre de rassurants nuages. Barbara, rejetée par Mauricio, fuit la réalité dans des histoires fantastiques. Mauricio, au comble du regret, est englouti par la terre. Ramon, épris d’Olivia, assiste à la croissance d’une étrange plante qui la reflète. Une exploration surréaliste du pouvoir tenace du souvenir amoureux.

Olivia & Las Nubes
République Dominicaine, 2024
De Tomás Pichardo-Espaillat

Durée : 1h21

Sortie : –

Note :

LE MIRACLE DE L’AMOUR

Depuis quand n’a-t-on pas vu un film aussi unique qu’Olivia & Las Nubes ? Dévoilé dans la compétition Cinéastes du présent au Festival de Locarno, ce premier long métrage du jeune cinéaste dominicain Tomás Pichardo-Espaillat dépeint sous forme de vignettes ludiques et immersives les trajectoires sentimentales de différents protagonistes. Untel a bien du mal à avouer ses sentiments pourtant flagrants à un voisin, une autre vit avec le souvenir d’un amour passé caché littéralement sous son lit, tandis qu’un autre voit l’amour débarquer à sa porte de la façon la plus onirique qui soit. Ces différents récits se croisent, se reflètent et se juxtaposent,  pourtant chacun possède son propre style graphique.

Comment mettre en scène les émotions qui circulent entre les êtres ? Pichardo-Espaillat et les différent.es animatrices et animateurs mis à l’honneur lors du générique de fin apportent une réponse riche et poétique. Chaque personnage est ici dépeint dans un style différent des autres, et les sentiments humains sont ici représentés avec une vertigineuse variété : rubans crayonnés, papiers peints ou encore tissus découpés. C’est là l’ambitieux credo du long métrage : il y a autant de styles d’animation que d’humeurs et d’émotions. 2D minimaliste, stop-motion, split-screens, prises de vue réelles… ce beau déluge est d’une liberté totale et d’une générosité étourdissante, et c’est ce qui le rend si expressif.

Toujours figuratif mais parfois à la lisière de l’abstrait, Olivia y las nubes suit un fil narratif éminemment original dont la logique est celles des rêves. Et celui-ci peut parfois être ardu. L’image très mobile, qui donne l’impression de pouvoir aller partout, vient traduire des visions mentales des protagonistes. La porosité rêve/réel est absolue, la frontière entre les deux est donc obsolète : des fleurs peuvent bien apparaître sur l’image médicale d’une radiographie, de la gouache peut bien venir se superposer sur des images en Super 8, et le très gros plan d’une feuille d’arbre peut bien se confondre une carte routière.

« Je te parle de choses sérieuses et toi tu me parles de sentiments ». Le geste amoureux de Tomás Pichardo-Espaillat transforme la carte du tendre en un grisant tourbillon formel, où l’animation ouvre un ample et vertigineux champ des possibles. Le pari est remarquable. A-t-on précisé que cette romance étrange magique était aussi un film musical ?

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par Nicolas Bardot

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