Festival de Locarno | Critique : Negu hurbilak

2011. ETA annonce la cessation définitive de son activité armée en Espagne et une jeune femme fuit avec un seul but: passer la frontière. Elle arrive à Zubieta, un village frontalier où semblent converger mythes anciens et conflits modernes. Le temps passe — un flou indéfini où les jours se confondent avec les nuits et les nuits avec les jours. Son évasion devient compliquée et labyrinthique.

Negu hurbilak
Espagne, 2023
De Colectivo Negu

Durée : 1h30

Sortie : –

Note :

LE VILLAGE DANS LES NUAGES

Dès les premiers instants de Negu hurbilak, la caméra s’insinue dans une scierie ; le lieu est à la fois étrange, banal et glauque – on a le sentiment qu’on pourrait bien y découvrir le cadavre de Laura Palmer. Voilà l’effet magique que produit la mise en scène du Colectivo Negu, qui signe ici son premier long métrage, dévoilé en compétition Cinéastes du présent au Festival de Locarno. La réalisation est magnétique et stimule l’imagination : cette caméra flottante, toujours un peu en mouvement, donne aux gestes et aux lieux quotidiens beaucoup de mystère et d’épaisseur. L’image cotonneuse confère une singulière atmosphère au film, à la fois menaçante et cosy.

Mais qu’y-a-t-il à cacher dans ce petit village ? On entend parler d’ETA à la radio. Les pièces du puzzle sont là, et si le mystère est soigneusement chéri, le non-dit laisse suffisamment d’indices pour que le film ne soit pas trop cryptique. Negu hurbilak brille de manière extraordinaire dans sa façon de mettre en scène le décor : les secrets suggérés par les granges et les greniers, la caméra qui s’aventure dans les ruelles, les vues plongeantes sur le village filmé comme s’il était dans les nuages, comme s’il était totalement coupé du monde. Le film est peuplé de visions puissantes et silencieuses, comme cette mer de brume au crépuscule qui donne le sentiment d’être invité au cœur d’un monde à part.

Il y a dans Negu hurbilak une qualité fantomatique évidente, et le film joue habilement sur cette tension crypto-surnaturelle. Une apparition merveilleuse peut laisser bouche bée – celle-ci peut s’expliquer par l’organisation d’un carnaval peuplé de démons grotesques, mais le sens de l’énigme dont fait preuve le Colectivo Negu peut nous faire croire n’importe quoi. Voici une déambulation hypnotique et hantée, portée par un talent formel qui saute aux yeux. C’est aussi un talent de narration, avec des cinéastes qui tirent le meilleur d’un récit tassé, d’une courte durée et d’éléments minimalistes. Negu hurbilak est un premier film qui fascine et fait écarquiller les yeux – une nouvelle révélation d’un jeune cinéma espagnol décidément en pleine forme.

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par Nicolas Bardot

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