Femme suisse dont le train de vie fait rêver, Vivian Barret traverse le monde des années 1950-60 d’un élan romanesque. Son quotidien, ses voyages, ses émotions, comme sa quête du bonheur et de l’amour sont racontés dans un journal intime, illustré par les somptueuses archives filmées par son mari…
My Mexican Bretzel
Espagne, 2019
De Nuria Giménez
Durée : 1h12
Sortie : –
Note :
JOURNAL INTIME
Les images d’archives utilisées dans My Mexican Bretzel sont assez hallucinantes. C’est un film amateur tourné par un couple, après-guerre, dont les couleurs sont d’une incroyable vivacité. On voyage à travers le monde : Venise, Barcelone, New York, Hawaï. On s’embarque pour une croisière, on va à une corrida, on fait du ski. Le quotidien glamour du couple formé par Vivian et Léon, telle la vie, « passe comme un rêve ». Et pourtant déjà il y a presque une ironie camp à voir ce déluge de luxe insouciant en cocktails et jolis tailleurs dans le contexte de l’après-guerre.
Sur ces images sont superposées les confidences de Vivian réunies dans son journal intime. La réalisatrice espagnole Nuria Giménez (lire notre entretien) fait le choix de ne pas utiliser de voix-off : les extraits du journal apparaissent en sous-titre. Le film établit là un pont stimulant entre le cinéma et la littérature, un pont qui nous plonge encore plus profondément dans le récit. My Mexican Bretzel est essentiellement silencieux, avec une sonorisation très subtile. Le son perce parfois les images, puis s’éloigne comme un ressac. Cela pourrait installer une distance, mais Giménez parvient à créer une réelle intimité. Le journal sert de contrepoint à ce silence, le film est muet mais on entend la voix de Vivian, comme un chuchotement secret, à peine perceptible. Le résultat est particulièrement émouvant.
« Les mensonges ne sont qu’une autre façon de dire la vérité », annonce un panneau en début de film. On imagine pourtant bien que les images d’archives ne sont pas censées mentir. Quelle est la nature de ce qu’on voit ? Le film familial imprime et raconte les souvenirs, mais il participe aussi à une mythification, à une fiction. Le dialogue que Nuria Giménez met en scène entre la vérité et l’artifice est passionnant, et le film montre de manière audacieuse que l’artifice et même la manipulation peuvent être le chemin le plus direct vers le réel et l’émotion la plus intime.
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par Nicolas Bardot