Critique : Murina

Sur l’île croate où elle vit, Julija souffre de l’autorité excessive de son père. Le réconfort, elle le trouve au contact de sa mère – et de la mer, un refuge dont elle explore les richesses. L’arrivée d’un riche ami de son père exacerbe les tensions au sein de la famille. Julija réussira-t-elle à gagner sa liberté ?

Murina
Croatie, 2021
De Antoneta Alamat Kusijanović

Durée : 1h32

Sortie : 20/04/2022

Note :

AVIS DE TEMPÊTE

Murina se déroule entre terre et mer, dans un coin idyllique de Croatie qu’on dirait fait pour les touristes. Mais pourtant tout le film, à l’image du premier plan, semble se dérouler sous l’eau, en apnée. Julija, justement, est une championne de plongée, peut tenir une éternité en apnée – et elle le prouve tous les jours auprès d’un père ultra-toxique. Pendant que les jeunes de son âge s’amusent au loin, Julija plonge et pêche auprès de son père. Le malaise, peu à peu, est suggéré par touches.

« Ton père est fidèle à lui-même », commente-t-on avec beaucoup de diplomatie pour éviter de dire qu’il s’agit d’un affreux plouc. La Croate Antoneta Alamat Kusijanović décrit la mainmise du patriarche non seulement sur sa fille mais aussi son épouse. Ça n’est pas un ogre surnaturel, juste un sale type très ordinaire, un tout petit homme médiocre qui n’a de pouvoir que par la terreur. Sans aucun effet spectaculaire mais grâce à une écriture aiguisée comme une lame, la cinéaste installe une tension de plus en plus vénéneuse et digne d’un thriller.

Les protagonistes de Murina répètent que ce lieu est un véritable paradis comme s’ils avaient besoin de s’en persuader. Visuellement, ce décor paradisiaque est régulièrement filmé (par Hélène Louvart) sous un ciel chargé, voilé, comme si les éléments étaient prêts à se déchainer sur ce beau décor. Que se passe-t-il sous l’eau ? Qu’est-ce qui gronde ? Jusqu’où ira la résilience de Julija ? La mélodie tranquille du ressac ressemble à une berceuse, une épave est retrouvée endormie au fond de la mer, mais il y a pourtant quelque chose qui bout. Entre la fille maltraitée par un père qui hait les femmes, mais aussi entre la fille et sa propre mère qui a accepté son triste sort. Une dynamique supplémentaire et plutôt inattendue qui enrichit ce premier long métrage puissant, justement récompensé par la Caméra d’or.

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par Nicolas Bardot

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