Dans ce qui ressemble à un camp de vacances isolé au sommet des montagnes colombiennes, des adolescents, tous armés, sont en réalité chargés de veiller à ce que Doctora, une otage américaine, reste en vie. Mais quand ils tuent accidentellement la vache prêtée par les paysans du coin, et que l’armée régulière se rapproche, l’heure n’est plus au jeu mais à la fuite dans la jungle…
Monos
Colombie, 2019
De Alejandro Landes
Durée : 1h42
Sortie : 04/03/2020
Note :
EN ROUTE POUR L’AVENTURE
Monos, second long métrage de fiction du Colombien Alejandro Landes (lire notre entretien), a ceci de particulier qu’il semble raconter une histoire purement métaphorique… qui sans cesse ressemble à un récit réel. Le fascinant décor de Monos pourtant semble initialement appartenir à l’imaginaire. Une mystérieuse organisation est basée dans un grand bunker isolé sur une montagne. L’endroit semble abandonné, on vit comme dans le ciel, un feu d’artifice vient transpercer les nuages. Ses jeunes héros ont des noms fantaisistes : Rambo ou Schtroumpf. La musique, signée par la géniale Mica Levi, installe une distance. Mais cette distance est-elle si grande que cela lorsque la bande son fait régulièrement revenir un sifflet qui ressemble à ce qu’on peut entendre dans une cour de récréation ?
Monos décrit en effet les rites initiatiques enseignés à des jeunes gens. Comme une école, mais totalement dégénérée, où l’on encourage une éducation toxique et le harcèlement punitif. Les petits corps dans Monos paraissent trop musclés, à l’image de l’homme qui chaperonne les jeunes gens. C’est comme si l’on entrait dans les couloirs secrets d’une usine à petits monstres. Pourtant, derrière tout cet attirail quasi-surréel, on a parfois l’impression de vivre une immersion parmi des toy soldiers lancés à l’aventure dans la jungle.
Le film est trop mystérieux pour imposer une seule lecture, mais il évoque un thème commun de beaucoup de films sélectionnés à la Berlinale : la violence à laquelle les plus jeunes sont confrontés ; plus précisément une violence trop grande pour ceux à qui elle est confiée. Les enfants ne sont déjà plus des enfants, et comme dans une farce absurde de Yorgos Lanthimos, toutes les structures traditionnelles perdent leur sens. Landes décrit un vertigineux jeu de rôles où les gamins sont comme des anomalies dans une nature qui les rejette.
Monos est porté par un sens de la surprise que le film tient de la première à la dernière seconde. Sa mise en scène sensorielle est impressionnante, tout en ruptures et sinuosités vertigineuses. C’est une expérience viscérale qui cite directement Sa majesté des mouches, mais qui évoque également le Nocturama de Bonello. Avec sa façon d’être dans la projection purement imaginaire, mais aussi ses problématiques bien réelles. Le long métrage fait le portrait puissant et éprouvant d’une jeunesse abimée, abandonnée, et qui devant nos yeux se désagrège.
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par Nicolas Bardot