Berlinale | Critique : Monk in Pieces

La compositrice et interprète visionnaire Meredith Monk a surmonté les critiques hostiles pour devenir l’une des plus grades artistes de son temps.

Monk in Pieces
Etats-Unis, 2025
De Billy Shebar

Durée : 1h34

Sortie : 

Note :

LA PASSE MURAILLE

Par quelle case entamer un portrait de l’inclassable Meredith Monk? Par quelle facette de son éclectique carrière débuter les présentations ? Le cinéaste américain Billy Shebar fait un choix éloquent et entame son documentaire par un plan rapproché, dont Monk est paradoxalement absente, de mains en train d’abattre un mur en brique ou plutôt d’y percer une ouverture. L’image colle comme deux gants à cette artiste. D’une part car avant de finir médaillée par Obama lui-même et d’obtenir la reconnaissance des plus grands (« elle a toujours été la plus originale d’entre nous », dit Philip Glass), Monk a dû essuyer les plâtres de plus d’une critique misogyne. D’autre part car son œuvre entière est basée sur le refus des frontières entre les arts. Ceci explique d’ailleurs sans doute cela.

Il n’y a pas vraiment d’excuses à la condescendance minable dont les critiques d’art masculins ont fait preuve à son égard. Monk in Pieces ne fait pas l’impasse sur cet aspect (on se pince en voyant le New York Times et autres la traiter quasiment comme une sauvageonne inculte), comme si le documentaire offrait là un double sens ironique à son titre que l’on peut traduire autant par « Monk à travers ses œuvres » que « Monk taillée en pièces ». La critique en dévoile souvent davantage sur qui l’écrit que sur le sujet abordé, et il y avait effectivement de quoi être sacrément décoiffé par les premières œuvres de Monk. Tant mieux.

Là encore, les qualificatifs s’entrechoquent : s’agit il d’opéra ? De théâtre ? De performance ? De clips vidéos d’avant garde ? Monk refuse elle-même de trancher et définit son travail musical comme étant « primitif et futuriste à la fois ». Dans ce travail de recherche exalté entre Yoko Ono et Marina Abramovic, un élément central à chaque fois : la voix, utilisée comme on l’a a rarement entendue. Un chant fait souvent dénué de mots mais pas d’émotions, dont on comprend aisément l’écho qu’il a pu trouver chez une autre grande expérimentatrice : Björk (que l’on entend ici brièvement faire sa fangirl timide). En accordant justement une importance à l’archive sonore et en offrant diverses sources d’images (entretiens, captation ou illustrations animées), Monk on Pieces rend justice à l’imprévisibilité de cette œuvre tout en conservant une forme classique et très accessible. Une porte d’entrée facile et idéale qui donne envie de plonger à pieds joints dans ses euphorisantes expérimentations vocales collectives.

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par Gregory Coutaut

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