Critique : Mon crime

Dans les années 30 à Paris, Madeleine Verdier, jeune et jolie actrice sans le sou et sans talent, est accusée du meurtre d’un célèbre producteur. Aidée de sa meilleure amie Pauline, jeune avocate au chômage, elle est acquittée pour légitime défense. Commence alors une nouvelle vie, faite de gloire et de succès, jusqu’à ce que la vérité éclate au grand jour…

Mon crime
France, 2023
De François Ozon

Durée : 1h42

Sortie : 08/03/2023

Note :

LE RIDEAU ROUGE VA SE LEVER

Mon crime s’ouvre sur un lever de rideau rouge. Une image presque récurrente chez Ozon (Sitcom, son tout premier long métrage, se terminait déjà ainsi), dont le cinéma possède un sens de l’artifice joyeux et assumé. Au fil des décennies et des genres abordés, sa filmographie a su maintenir avec succès un pied dans un cinéma populaire et accessible et l’autre dans une précieuse ironie. Mais l’ironie chez Ozon n’est pas parodique. Quand il se tourne vers le passé, que ce soit à travers des reconstitutions historiques ou des adaptations théâtrales, il utilise ce point de vue décalé pour en révéler une modernité inattendue. En ce sens, la cinéphilie malicieuse d’Ozon n’est pas muséale, son regard est davantage contemporain que tourné vers le passé. D’ailleurs, aimer quelque chose sincèrement tout en mettant en lumière son ironie, c’est aussi une dimension possible de l’humour camp, et il faut rendre justice à Ozon en rappelant que dans le paysage du cinéma français, c’est celui qui s’y connait le mieux en camp.

Adapté d’une pièce de théâtre à succès de 1934, dont l’intrigue possède quelques points communs avec la comédie musicale Chicago, Mon crime appartient à la veine la plus populaire d’Ozon. Moins théâtre de boulevard franchouillard qu’hommage aux screwball comedies hollywoodiennes aux dialogues virevoltants, le scénario est l’occasion pour de grands comédiens de se succéder en venant faire leur numéro à l’écran. L’affaire est rondement menée grâce à ces derniers (a-t-on déjà vu un comédien mal jouer chez Ozon ?), mais elle ronronne un peu sagement. La très généreuse direction artistique est comme une invitation à partager le plaisir d’Ozon à jouer avec sa maison de poupées, mais on a connu ce dernier plus imaginatif et mordant. Outre quelques détails (des clins d’œil cinéphiles à Danielle Darrieux et Violette Nozière, un sous-texte lesbien juste effleuré), on se demanderait presque quel est l’apport ou le point de vue que le cinéaste porte sur tout ce décorum somme toute désuet. L’éclaircissement arrive à mi-film comme un coup de tonnerre, et se nomme Isabelle Huppert.

Dans le rôle d’une actrice fantasque et pathétique, la Huppert déboule telle un boulet de canon. Elle crève l’écran et vient à elle seule donner un grand coup d’accélérateur au film comme si elle avait caché une fusée sous ses robes aux fanfreluches impossibles (bravos à Pascaline Chavanne pour ses costumes). 21 ans après 8 femmes, elle trône à nouveau au sommet dans un registre burlesque qui donne l’impression que tous ses dialogues et actions sont passés en léger accéléré par rapports à ses camarades de jeu. C’est précisément à travers ses excès, à travers le vent d’absurdité hilarante qu’elle fait souffler sur la deuxième moitié du film, à travers l’évidence avec laquelle elle porte ici la couronne de reine ultime du camp, que l’on retrouve enfin et franchement le sens de l’artifice cher à Ozon.

Dans un casting composé de nouveaux venus et de grands seconds rôles du théâtre, il n’est pas étonnant que ce soit à elle qu’il revienne de remettre cette pendule à l’heure. Et quand la reine s’exécute avec une telle maestria, on écoute. L’alliance Ozon/Huppert est un succès d’un tel éclat qu’à vrai dire elle éclipse presque tout le reste du film. C’est surtout une formule à l’évidence si magique qu’on espère ne pas avoir à l’attendre à nouveau 21 ans.

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par Gregory Coutaut

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