Pour gagner sa vie, Marija, une jeune Ukrainienne, travaille comme femme de ménage dans un hôtel de Dortmund. Elle rêve d’ouvrir son propre salon de coiffure et met chaque mois un peu d’argent de côté. Un jour, elle se fait subitement licencier, ce qui reporte la réalisation de son rêve à un avenir lointain. Sans travail, ni argent, elle se voit obligée de trouver d’autres moyens de subsistance. Pour atteindre son objectif, elle ira jusqu’à faire passer son corps, ses relations sociales et ses propres sentiments au second plan.
Marija
Allemagne, 2016
De Michael Koch
Durée : 1h40
Sortie : disponible sur Mubi
Note :
MARIJA, YOU’VE GOTTA SEE HER
Marija s’ouvre par le bruit de talons qui claquent : ceux de l’héroïne éponyme de ce premier long métrage, production allemande dirigée par le Suisse Michael Koch. La caméra la suit de dos, et le spectre des 36 copies post-Rosetta dont les festivals sont engorgés pointe le bout de son nez. Michael Koch contourne avec subtilité la recette du portrait world-social prêt à consommer. Son héroïne, une Ukrainienne qui vient de perdre son emploi et qui rêve d’ouvrir son salon de coiffure en Allemagne, est décidée à ne plus être exploitée – elle le dit elle-même. Car le premier enjeu de Marija, avant même la survie dans un contexte social brutal, c’est cette prise de commandes. Carlo Chatrian, alors directeur artistique du Festival de Locarno où le film a été présenté en compétition, parlait d’un film renversant « le schéma habituel ». Marija décide de ne pas être une victime et ne se laisse pas avoir.
Le scénario de Marija, que Koch a co-écrit avec Juliane Grossheim, a de la ressource. En creux du combat mené par l’héroïne, plongée dans la fosse aux serpents, se dessine une peinture cinglante des rapports – essentiellement de force – avec les hommes. Pour les femmes comme Marija, c’est la double peine : exploitée par la société, elles le sont aussi par les mâles. Qui s’attendent à l’utiliser, la jeter, la reprendre, l’emmener dans une valise, la voir attendre sagement. Dans ses brûlots politiques des 60s, de l’autre côté de la planète, Koji Wakamatsu se servait des personnages féminins comme une allégorie du prolétariat, les hommes représentant, eux, le pouvoir. C’est aussi le cas ici où le film va plus loin qu’un simple constat social sur la situations des personnes immigrées en Europe.
Ces différentes couches témoignent d’une qualité d’écriture que l’on retrouve également dans le personnage-même de Marija : le scénario, contrairement à plein de films de mères courages statufiées, ne fait jamais d’effort pour la rendre aimable – elle est pourtant rapidement attachante. La présence de l’actrice Margarita Breitkreiz y est pour beaucoup, elle qui insuffle au film la tension qui de temps à autres peut lui manquer. Filmée de dos, puis filmée de face sous les cieux peu funky de Dortmund, elle est un vrai personnage de cinéma qui évite les formules.
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par Nicolas Bardot