Critique : Loving Highsmith

Un regard unique sur la vie de la célèbre autrice américaine Patricia Highsmith, d’après ses journaux intimes et ses carnets de notes, ainsi que les réflexions intimes de ses amantes, amis et famille. Se concentrant sur la quête d’amour de Highsmith et son identité troublée, le film jette un nouvel éclairage sur sa vie et son écriture.

Loving Highsmith
Suisse, 2022
De Eva Vitija

Durée : 1h24

Sortie : 15/06/2022

Note :

HIGHSMITH ENTRE DEUX EAUX

Patricia Highsmith tape sur sa machine à écrire. Une voix-off, empruntant ses mots, nous plonge dans son esprit. Des images de films adaptés de ses livres offrent un relai visuel de son œuvre. Films d’archive, journal intime, transpositions de son travail : les différentes sources de Loving Highsmith composent un portrait riche et complexe de l’autrice américaine, mère entre autres de Tom Ripley ou de Carol.

L’axe privilégié par la Suissesse Eva Vitija est celui de la double vie longtemps menée par Highsmith. Le film laisse ainsi une large place à sa vie sentimentale et raconte en creux une réalité lesbienne de l’après-guerre, des bars cachés dont on ne peut dire le nom à New York aux amours parisiennes, en passant par Londres. Ces témoignages, ces voix peu écoutées, ces portraits en noir et blanc de drag kings, sont précieux et émouvants.

Lorsque l’autrice écrit Carol, qui a longtemps été le seul roman lesbien à ne pas se finir de manière dramatique, c’est dans le secret, sous pseudonyme. Sa relation à sa mère est difficile, tandis que les grands éditeurs ne veulent pas d’un dénouement heureux pour une histoire mettant en scène des lesbiennes. Vitija dépeint le tempérament à part d’une femme dans les marges mais qui pourtant est couronnée de succès.

Un succès littéraire, mais aussi une histoire de cinéma. Loving Highsmith déroule toute une filmographie inspirée de la romancière, adaptée dès son premier roman par Alfred Hitchcock lui-même avec L’Inconnu du Nord-Express. A travers les décennies, Wim Wenders (L’Ami américain), Anthony Minghella (Le Talentueux Mr. Ripley) ou Todd Haynes (Carol), entre autres, se pencheront sur son œuvre au rayonnement qui ne se dément pas. Ça n’est pas qu’une hagiographie : le film sait évoquer aussi, même rapidement, les propos racistes et antisémites qu’elle a pu tenir dans ses journaux. C’est aussi ce qui fait le succès de ce portrait à la forme classique : voici Patricia Highsmith, dans ce qu’elle peut avoir de sombre et de lumineux, d’underground ou mainstream, avec toutes ses nuances et contradictions.

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par Nicolas Bardot

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