L’histoire extraordinaire de la reine du disco à travers une série d’images d’archives inédites.
Love to Love You, Donna Summer
Etats-Unis, 2023
De Roger Ross Williams et Brooklyn Sudano
Durée : 1h45
Sortie : –
Note :
LAST DANCE
Droit dans les yeux : le premier plan de Love to Love You, Donna Summer se concentre sur le regard de l’icône disco qui occupe tout l’écran. Droit dans les yeux : ce documentaire va forcément tout nous dire, sans détours. Cette promesse est immédiatement tenue, dès les premiers sons qui résonnent : des gémissements issus de son single Love to Love You Baby. Cette aura super-sexy, accompagnée de déhanchements langoureux sur scène, c’est un rôle, comme le confesse la chanteuse. Et la sœur de Donna de se souvenir et de commenter, la première fois qu’elle a entendu cette chanson : « tu te rappelles quand on se disait mais qui est cette femme ?« .
Co-réalisé par Roger Ross Williams (oscarisé pour son court musical Music by Prudence) et Brooklyn Sudano, l’une des filles de Donna Summer, le documentaire prend le parti d’être avant tout centré sur les impressions subjectives des premières et premiers concerné.e.s, plutôt que sur les faits et les dates. C’est donc en quelque sorte à un film familial qu’on assiste plus qu’un déroulé hagiographique, apportant ainsi une chaleur particulière au projet. Diapo après diapo se dessine le parcours de Donna Summer vécu par ses proches. Les intervenant.e.s sont entendu.e.s mais n’apparaissent pratiquement jamais à l’écran : celui-ci appartient quasi-exclusivement à la chanteuse.
Love to Love You, Donna Summer est donc raconté presque intégralement par des images d’archives, sans la lourdeur conventionnelle des documentaires dits de talking heads. Ce sont des archives privées (films de famille, films de Noël, films de tournée) mais aussi publiques. Et c’est peut-être là la dimension la plus émouvante et passionnante du film : qu’est-ce que ce flux ininterrompu d’images compose ? Derrière les souvenirs rayés, derrière les parasites des VHS, il y a pourtant toujours quelque chose de fabuleux qui se cache : la patine magique d’un show de variété des années 70 ou 80, les lumières rayonnantes des concerts, la moiteur amoureuse des clubs, les robes sublimes… même à travers les images les plus abimées, tout rayonne. Comme une relique redécouverte, un trésor sur lequel il suffit de souffler. L’émotion ne vient pas seulement de l’hommage raconté, mais aussi de ce que ce montage d’images, cette matière-même, racontent sur un temps passé.
L’artiste évoque la double difficulté qu’elle a rencontrée dans sa carrière en étant femme et noire. Après sa disparition s’ajoute, si l’on peut dire, une troisième épreuve : elle est avant tout connue comme une chanteuse de disco, soit un genre en grande partie de divas, parlant assez largement à un public gay. La mémoire officielle de la musique étant aussi misogyne que celle du cinéma, Donna Summer est donc trop souvent réduite à la chanteuse d’un moment, de quelques singles, contrairement à : insérez ici n’importe quel mec faisant du rock. Le film rappelle son ambition de narratrice à travers ses concerts ou ses disques comme son chef d’oeuvre Once Upon a Time, concept-album en forme de conte de fée moderne. Il évoque également l’innovation unique que représente sa collaboration avec Moroder sur I Feel Love et son impact sur la musique électronique, et son implication dans la création de sa musique – loin de l’image à papa de poupée-marionnette à manipuler.
Le documentaire n’élude pas sa période « religieuse » au cœur des années 80 et ses mots malheureux sur Adam and Steve. C’est aussi ce qui constitue la profondeur du film qui épouse les reliefs de sa carrière et de sa vie. Et les différents reflets de ses désirs : de peintre, d’actrice, de réalisatrice. Love to Love You, Donna Summer n’a comme vrai défaut d’être un peu trop court ; si l’angle du long métrage n’est justement pas de raconter sa carrière point par point, la mise de côté de son come-back à la fin des années 80 fait arriver son crépuscule de manière un peu précipitée. Donna Summer était un rôle, commente l’artiste. Si son chant était une façon d’être une actrice, le film parvient à composer un portrait authentique, vibrant, et poignant.
| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |
par Nicolas Bardot