Festival de La Roche-sur-Yon | Critique : Little Richard : I Am Everything

Une célébration de Little Richard qui révèle les origines queer et noires du rock ‘n’ roll.

Little Richard : I Am Everything 
Etats-Unis, 2023
De Lisa Cortés

Durée : 1h38

Sortie : –

Note :

DE CE PARADOXE JE NE SUIS COMPLICE

Présenté à Sundance dans le cadre de la compétition de documentaires américains, Little Richard : I am Everything possède deux points communs avec un autre film, de fiction celui-ci, présenté au même moment au festival : Cassandro. Les deux films possèdent un protagoniste queer ayant connu un grand succès public en dépit ou à cause de leur excentricité unique. Ils ont hélas aussi en commun le désir de leur rendre hommage de la forme la plus conventionnelle qui soit. Ce choix n’est pas seulement frustrant artistiquement, il devient presque un contresens quand on parle d’icônes qui n’ont jamais mégoté sur leur liberté. Peut-être parce qu’il s’agit d’un documentaire, Little Richard se tire mieux de ce mauvais pas que Cassandro.

Musicien de rock’n’roll noir ouvertement gay, efféminé et flamboyant , drag queen à ses heures perdues sous le pseudo de Princess LaVonne, ayant fait danser le monde entier avec des paroles pleines de cul, qui a par la suite renié son homosexualité pour chanter du gospel et qui se mit à bruler ses propres disques pour plutôt aller vendre des bibles à ses concitoyens… Par où commencer pour rendre justice à une figure si paradoxale ? Le film de Lisa Cortés fait le choix classique de commencer par le début et de suivre les rails chronologiques de la biographie puis ceux, pas moins prévisibles, du documentaire musical : images d’archives (concerts, entretiens mais aussi caméos chez Pee-Wee Herman ou dans La Fête à la maison) et pléthore d’intervenants proches ou célèbres (dont John Waters qui confie que sa moustache crayonné est un hommage direct).

Little Richard : I am Everything reste un peu trop en surface pour résoudre l’énigme. Dans un ensemble presque hagiographique, ses zones d’ombres sont évoquées davantage qu’analysées en profondeur. Seule une ancienne collaboratrice ose la phrase « Il a trahi les homosexuels », tout en nuançant aussitôt « il n’était pas assez fort pour supporter la pression ». Si la superficialité sur ce sujet a de quoi légitimement frustrer, le film retire néanmoins ses guillemets au moment de remettre les pendules à l’heure sur l’hypocrisie raciste à laquelle l’artiste a fait face toute sa vie (rejet frontal, récupération arriviste et reprises par des chanteurs blancs incapables de reproduire son débit de parole). Plus qu’un portrait inédit de l’artiste, Lisa Cortés réussit son portrait à charge d’un système dominant qui ne tolère les exceptions que lorsqu’il peut en profiter.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |

par Gregory Coutaut

Partagez cet article