Critique : Lindy Lou, jurée n°2

Il y a plus de 20 ans, Lindy Lou a été appelée pour faire partie d’un jury. Depuis, la culpabilité la ronge. Sa rédemption passera-t-elle par ce voyage qu’elle entame aujourd’hui à travers le Mississippi, dans le but de confronter son expérience à celle des 11 autres jurés avec lesquels elle a condamné un homme à mort ?

Lindy Lou, jurée n°2
France, 2017
De Florent Vassault

Durée : 1h24

Sortie : 10/10/2018

Note : 

AU BOUT DE SA PEINE

Lindy Lou, jurée n°2 n’est pas un documentaire d’enquête, dans le sens où ne s’agit pas d’une reconstition. Du meurtre dont il est question à l’origine, nous ne saurons presque rien, si ce n’est que l’accusé a lui-même immédiatement reconnu sa culpabilité. Comme les autres jurés, Lindy Lou croyait tellement dur à la peine de mort (car aux Etats-Unis, on n’est pas « pour ou contre » la peine de mort, on y croit, comme si l’idée sortait de la Bible elle-même, de façon presque irraisonnée) qu’elle n’a pas eu de mal à voter pour. Alors pourquoi, dans la période suivant ce procès, Lindy Lou a-t-elle eu l’impression de n’être plus du tout la même personne?

Il a fallu une vingtaine d’années à Lindy Lou pour mettre un mot sur son mal-être : la culpabilité. Ni le réalisateur Florent Vassault ni son héroine ne cherchent aujourd »hui à innocenter ou à comprendre le geste de l’homme qu’elle a condamné, et pourtant, le film a bel et bien la forme d’une enquête. Mais ce que Lindy Lou cherche à retrouver, ce sont celles et ceux qui ont composé ce jury avec elle. La caméra de Vassault est particulièrement discrète, sa protagoniste se révélant une très bonne intervieweuse improvisée – à tel point qu’on a parfois davantage l’impression que c’est elle qui mène le film.

Lindy Lou quadrille donc l’état au volant de sa voiture. Et un peu partout, des messages homophobes et des panneaux à la gloire de Trump décorent les pelouses. Armes dans la boite à gants, fauteuils à bascule sur le perrons, barbecues et parties de chasse… cette partie des Etats-Unis pourrait être facile à caricaturer. Pourtant, la question bienveillante que Lindy Lou pose à ses interlocuteurs (« pensez vous que nous avons bien fait?« ) génère un étonnant éventail de réponse.

En effet, à l’exception de la lâcheté superficielle d’untel qui s’en lave les main, ou de la naiveté ahurie d’une autre qui pensait « qu’on appelait ça ‘peine de mort’ mais qu’on ne tuait pas vraiment les prisonniers« , la majorité de ces femmes et hommes frappent par leur capacité à nuancer leur propos. Toute cette parole soudainement libérée met d’ailleurs à jour un malaise inattendu. Ici, les plus fervents défenseurs de la peine de mort n’ont jamais eu à l’appliquer concrètement, tandis que ceux ont concrètement donné la mort se retrouvent hantés. Cette souffrance est d’autant plus poignante qu’elle nait de cette croyance inflexible qu’ils avaient à lépoque effectivement, tous, « bien fait ».

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par Gregory Coutaut

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