Critique : Les Amants sacrifiés

Kobe, 1941. Yusaku et sa femme Satoko vivent comme un couple moderne et épanoui, loin de la tension grandissante entre le Japon et l’Occident. Mais après un voyage en Mandchourie, Yusaku commence à agir étrangement… Au point d’attirer les soupçons de sa femme et des autorités. Que leur cache-t-il ? Et jusqu’où Satoko est-elle prête à aller pour le savoir ?

Les Amants sacrifiés
Japon, 2021
De Kiyoshi Kurosawa

Durée : 1h55

Sortie : 08/12/2021

Note :

DOUBLE JEU

Maître du cinéma d’horreur, Kiyoshi Kurosawa s’est également aventuré jusqu’à la science-fiction mais c’est ici sa première incursion dans le film historique. L’horreur cette fois-ci n’est pas celle des spectres ou de l’au-delà, elle prend place dans l’Histoire et précisément lors de la Seconde Guerre Mondiale. « Qu’est devenu le Japon ? », se demande t-on au début des Amants sacrifiés. Le bruit des bottes se fait de plus en plus entendre mais le film n’est pas une fresque guerrière pour autant. « Je m’intéresse en effet plus aux enjeux psychologiques et moraux de la guerre qu’à sa représentation », commente le cinéaste au sujet de ce film où les individus semblent dépassés par une force invisible… comme dans ses longs métrages fantastiques.

Il est question de partie d’échecs dans Les Amants sacrifiés – et celle-ci illustre bien des enjeux du long métrage. Dans cette histoire de secret d’état, le jeu des protagonistes ne se dévoile que peu à peu. Si le long métrage n’est pas porté par l’étrange et ensorcelante tension de ses films de genre, il en partage des thématiques, comme la dualité de personnages qu’on croit connaître mais dont on ignore tout. Il y a littéralement le double de Doppelgänger, le mari transformé d’Avant que nous disparaissions, le mystérieux revenant de Vers l’autre rive… Tout ceci trouve ici son équivalent dans une histoire d’espionnage et de double jeu.

D’une très grande élégance, le long métrage a reçu le prix de la mise en scène à la Mostra de Venise. Son classicisme décontenance quelque peu et l’on se demande parfois ce que Kurosawa a vraiment de personnel à raconter dans cette histoire. Hormis quelques exceptions, ses meilleurs films, ceux où sa mise en scène est la plus époustouflante, sont des films fantastiques. Et c’est précisément quand Les Amants sacrifiés flirte avec les codes du fantastique qu’il prend de l’ampleur, quand les couleurs délicieuses laissent place à la cruauté, lorsque la raison bascule et que les personnages sont au bord de la folie. Jusqu’à ce fascinant plan de Japon en flammes, comme un envers troublant du plan final de Charisma.

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par Nicolas Bardot

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