NOCTURNAL ANIMALS

Il y avait dans Black Coal, précédent diamant noir du Chinois Diao Yinan (lire notre entretien), une scène inoubliable. Ses protagonistes sont sur une patinoire, ils glissent et glissent sur la glace ; le film comme ses personnages finissent par décoller du réel, au sens propre et au sens figuré. On quittait alors le cadre du film noir classique pour entrer dans les brumes mystérieuses du film de fantôme. Cette sensation incroyablement magique parcourt tout Le Lac aux oies sauvages, qui respecte certains codes du film noir mais les emmène à nouveau vers le trouble et l’étrangeté.

Le Lac aux oies sauvages est un très grand film de nuit. Pratiquement tout le long métrage donne l’impression de se dérouler alors que le soleil s’est couché. Le travail pictural est exceptionnel, et le jaillissement des couleurs et des lumières donne au film un climat d’irréalité. A l’image de la ville du plan séquence d’Un grand voyage vers la nuit, un autre film chinois du sud, on a parfois l’impression de déambuler dans une maquette, une fausse ville, un décor de jeu vidéo, avec une large place laissée au vide et à la pénombre. Tout ce vide participe à créer quelque chose de vertigineux dont la mise en scène s’empare avec virtuosité.

Dans le noir, sous une pluie torrentielle, on finit au fil de ce récit de cavale par ne plus vraiment distinguer qui sont les flics et qui sont les voyous. Peu importe car Le Lac aux oies sauvages est l’inverse d’un film à suspens où l’enjeu serait de révéler quelque chose. Il n’est jamais aussi saisissant que quand il embrasse la nuit et son vide transpercé de lumières. On suit une affaire mystérieuse où les scènes de mort sont particulièrement spectaculaires. C’est brutal, mais c’est jubilatoire aussi. Ce Lac a la fascinante qualité d’un rêve et c’est assurément l’un des films les plus époustouflants de l’année.

>>> Le Lac aux oies sauvages est visible en ligne sur UniversCiné

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