Rennes, de nos jours. Saïd habite encore chez ses parents. Il vit une liaison secrète avec Vincent. Incapable d’affronter sa famille, il accepte un mariage arrangé avec Hadjira. Après une histoire d’amour malheureuse et quelques démêlés avec la justice, elle aussi s’est résignée à obéir à sa mère. Piégés par leurs familles, Saïd et Hadjira s’unissent malgré eux, pour retrouver, chacun de son côté, leur liberté.
L’Air de la mer rend libre
France, 2023
De Nadir Moknèche
Durée : 1h30
Sortie : 04/10/2023
Note :
QUAND LA MER MONTE
« Il tient parfaitement debout » : voilà le meilleur compliment que Saïd va recevoir de sa mère, le jour de son mariage. En effet, après bon nombre de bières, Saïd titube et ne semble pas vivre le mariage de ses rêves. L’Air de la mer rend libre s’ouvre par un détail qui pourrait être terriblement romanesque : la mère de Saïd lui prépare un philtre amoureux au pouvoir qu’on imagine magique. Mais le philtre sera avalé de force : L’Air de la mer rend libre débute par un mariage arrangé.
Dans son nouveau long métrage, le Franco-Algérien Nadir Moknèche raconte, dans la structure familiale traditionnelle, les rôles que chacun est prié de tenir – Saïd le premier. C’est littéralement un jeu de rôles : un jeune homme gay jouant le rôle d’un hétéro, un garçon sans aucun désir d’avoir une épouse et qui se retrouve en habits de mariage, un fils décevant et infantilisé qui joue le rôle du fils aimé et responsable. Moknèche va plus loin en abordant les clichés fétichistes accolés à Saïd en milieu queer : lorsqu’il met sa casquette et sa veste de jogging, c’est encore un autre rôle qu’il paraît endosser.
Comment peut-on s’accomplir réellement ? C’est le parcours d’embûches que le cinéaste explore. L’Air de la mer rend libre est servi par son humilité, et il n’est pas ici question d’esclandres spectaculaires et de terribles tragédies. Un mariage bricolé ou une famille qu’on tente de faire rentrer dans des cases sont des terrains tristes et amers mais où la tendresse fait aussi son chemin. Moknèche apporte des nuances et l’on retrouve la simple chaleur humaine qui caractérise certains de ses films. Les sons de la ville semblent, eux-mêmes, tamisés autour des personnages et de leurs interactions.
L’Air de la mer rend libre est servi notamment par son sens du casting, qu’il s’agisse de visages familiers (Lubna Azabal et Saadia Bentaïeb dans deux rôles de mères très différentes), de présences plus surprenantes (Zahia Dehar, à la convaincante sensibilité de Rohmérienne) ou de découvertes, comme Youssouf Abi-Ayad (lire notre entretien). L’acteur s’est jusqu’ici illustré surtout sur scène, notamment sous la direction de Christophe Honoré. Il se sort avec finesse d’un rôle complexe, aux émotions réprimées. Avec une douceur sans mièvrerie et sans réinventer la roue, L’Air de la mer rend libre raconte in fine la constitution d’une famille – mais pas nécessairement celle qui était prévue au départ.
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par Nicolas Bardot