Dans le Vietnam du XIXe siècle, une jeune fille de 14 ans doit composer avec la politique familiale, ses propres principes et la perspective d’être mère après être devenue la troisième épouse d’un riche propriétaire.
La Troisième femme
Vietnam, 2019
De Ash Mayfair
Durée : 1h36
Sortie : 19/08/2020
Note :
LA BONNE ÉPOUSE
Parmi les fleurs chatoyantes d’un gigantesque jardin endormi, une chenille se prélasse. Filmé avec beaucoup d’élégance, mais dans un gros plan si insistant qu’il en deviendrait presque bizarre, l’animal prépare son cocon en secret. Dans le même jardin, a lieu au même moment un autre rituel: la jeune May est enrubannée et parée de couleurs afin d’être présentée au mari qui a été choisi pour elle. La métaphore est presque trop évidente, mais cette séquence d’exposition possède un pouvoir immersif, sans doute parce qu’elle est quasiment muette. « Quand je serai grande, je serai un homme et j’aurai plein d’épouses » songe May avec fierté, mais ce remarquable silence est autant un appel au recueillement béat qu’un appel à se taire et à obéir.
Le charme puissant de ce décor exotique est passé au prisme d’une mise en scène particulièrement sensorielle par la Vietnamienne Ash Mayfair (lire notre entretien), dont c’est le premier film. Avec ses légers ralentis et une instance sur la présence des couleurs, cette volonté de capter la beauté des lieux rapproche par moments le film de la carte postale, de l’archétype pittoresque. Mais la réalisatrice possède un sens du silence et de l’ellipse qui crée un un relief singulier, et qui épouse à son tour les chemins inattendus du récit
Car La Troisième femme ne raconte pas ce à quoi on s’attend. Le mari se retrouve rapidement mis en marge du récit qui se concentre davantage sur la relation entre May et les autres épouses. Et là encore, c’est moins la concurrence ou l’amertume attendue, qu’une forme de complicité, Une chaleur humaine qui conserve une curieuse ambiguïté. Avec Trần Anh Hùng comme modèle (et la charismatique Tran Nu Yên-Khê, l’actrice récurrente de ce dernier, au casting), Ash Mayfair tisse autant une sage reconstitution historique que l’éveil des sens et du corps d’une adolescente, une expérience subjective et sensuelle de l’intime.
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par Gregory Coutaut