Festival de Séville | Critique : La Mafia non è più quella di una volta

19 juillet 1992 a lieu le massacre de la via d’Amelio (martyrs de l’antimafia). Franco Maresco dresse le portrait de Ciccio Mira, organisateur de fêtes. Il semble être en quête de rédemption tout en ayant des paroles qui trahissent une certaine nostalgie de  » la mafia du passé « …

La Mafia non è più quella di una volta
Italie, 2019
De Franco Maresco

Durée : 1h45

Sortie : –

Note :

LA FÊTE A NEUNEU

A l’origine de ce documentaire au drôle de titre (La mafia, c’est plus ce que c’était), il y a un événement avec lequel on ne peut pas franchement rire: l’assassinat en 1992 de Falcone et Borsellino, deux juges antimafia qui étaient sur le point de faire tomber la Casa Nostra. À l’occasion du 25e anniversaire de leur mort, le cinéaste italien Franco Maresco s’est rendu au cœur géographique de l’affaire, à Palerme. Son but: accompagner la photographe Letizia Battaglia, célèbre pour son travail sur la mafia, afin d’assister aux commémorations qui s’annoncent grandioses et solennelles. Enfin, en théorie… parce qu’au final, La mafia non è… est tout simplement l’un des films les plus hilarants de l’année. Il faut le voir pour le croire.

Comment est ce possible ? Il y a tout d’abord une galerie de personnages impayables. Battaglia, mini-tornade de 85 ans aux cheveux rouges, qui rêve de jouer une pute et qui n’a que l’indignation la bouche, n’est pas la personnalité la plus banale du casting. En revanche, elle est sans doute la seule personne que Maresco filme avec respect de bout en bout. Ce que les deux compères découvrent dans le Palerme de 2019, c’est en effet un freak show sorti du plus abracadabrantesque épisode de Strip-Tease.

Maresco ne cherche pas à être Wiseman, et il n’y va pas avec le dos de la cuillère quand il s’´agit de mettre en scène le décalage de ces gens qui paraissent vivre coupés du reste du monde, de toute culture, de toute culpabilité ou de toute remise en question politique. Maresco rajoute sur ses images une voix off moqueuse, chevrotante d’ironie. Il souligne au crayon gras quand rire (l’arrivée de telle personne est accompagnée de bruits de clown) ou quand pleurer (avec des violons). Il et se paye même un excellent gag visuel : alors que le film est en couleur, il a grisé en post-prod son principal intervenant à chacune de ses apparitions : un escroc coincé dans sa mégalomanie, nostalgique du bon vieux temps de la mafia.

Subtil ? Pas du tout. La forme du documentaire rappelle souvent les pieds dans le plat de Michael Moore. Mais l’enquête de Maresco demeure sérieuse, il pose les questions qui font mal et ne rend jamais ses personnages attachants. Le film risque le mauvais gout en optant pour l’humour ? Mais le petit monde filmé ici est déjà risible. Il y a celui qui pour rendre hommage aux juges, n’a rien trouvé de mieux qu’organiser des danses du ventre de filles dénudées, il y a le présentateur télé local qui arrive dans son émission en tapis volant, il y a l’ado écervelé qui se croix élu de Dieu et qui veut mettre sa voix d’or au service des commémorations (et qui chante bien sûr comme une casserole)…

Qu’ont fait tous ces gens-là pour mériter ce regard mordant (c’est un euphémisme) ? Alors même qu’ils prétendent célébrer les juges, ils se révèlent tous incapable de prononcer face a la caméra cette simple phrase : « la mafia c’est mal ». On ose à peine y croire. L’effet est d’abord amusant, puis sidérant. Ces hommes et ces femmes ne font pas que souiller l’histoire des luttes antimafia dans le mauvais goût d’un kermesse de camping, ils poussent l’art de se dédouaner, de se voiler la face jusqu’à l’extrême. A force d’énormités qui nous font écarquiller les yeux ou nous font frapper les cuisses d’hilarité, ce village d’irréductibles ressemble – et pas seulement au sens figuré- à un hôpital psychiatrique a ciel ouvert. Pour le plus drôle et le plus pathétique.

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par Gregory Coutaut

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