Un couple, traumatisé par un deuil, part pour un trip dans les bois. Mais ils vont y revivre leur cauchemar encore, et encore, et encore, et encore…
Koko-di Koko-da
Suède, 2019
De Johannes Nyholm
Durée : 1h26
Sortie : 13/11/2019
Note :
NE VOUS RETOURNEZ PAS
On a découvert le Suédois Johannes Nyholm (lire notre entretien) avec l’incroyable The Giant. Et si vous lisez régulièrement des superlatifs qui vous semblent démesurés, sachez que The Giant a pour héros un homme au visage déformé, qu’il y est question de géant magique et de concours de pétanque – incroyable, donc. Quelle surprise le jeune talent suédois allait-il nous préparer avec son nouveau film qui porte déjà le plus beau titre de l’année : Koko-di Koko-da ? Les tout premiers instants du long métrage nous rappellent les cauchemars d’un David Lynch. C’est une référence usée jusqu’à l’os dès qu’il est question de quoi que ce soit d’étrange au cinéma. Mais ces superpositions inquiétantes, cet usage du grotesque grimaçant, cette façon de perturber le spectateur ont quelque chose de lynchien. Et l’on sait dès lors que le voyage devrait être surprenant.
Le postulat de Koko-di Koko-da est pourtant beaucoup moins farfelu que celui de The Giant. Nyholm nous raconte l’histoire d’un couple confronté à une tragédie, et à ses lendemains. Il y a derrière tout cela un concept malicieux : le couple part en camping, et va être plongé dans un cauchemar qu’il va vivre et revivre et revivre encore. C’est un processus qui emprunte au jeu vidéo, avec cette histoire qui reprend comme quand on a perdu une partie. C’est un conte (on y croise un diable, une sorcière, un ogre), avec toute la force interprétative qui le caractérise et l’importance de l’apprentissage. C’est une métaphore du deuil et celle-ci a un sens, avec ses personnages plongés dans les cercles de l’enfer qu’ils sont contraints de parcourir et parcourir encore. Mais c’est aussi, au-delà des codes – et c’est peut-être l’aspect le plus précieux du film – une farce cruelle et absurde sur la condition humaine.
Il y a dans Koko-di Koko-da une comptine (comme toutes les comptines, mignonne et inquiétante) que l’on entend régulièrement et qui donne son titre au film. Quelque chose à chanter en canon sous le préau de l’école. Qui tourne en boucle, comme la manivelle d’un moulin à musique, comme l’histoire circulaire qui est dessinée dessus. Cette boucle est absurde, comme la vie et ses accidents.
Nyholm fait un usage formidable des contrastes : la caméra est naturaliste pour raconter ce qui est le plus fou. Aux maquillages festifs d’un adorable anniversaire succèdent les visages déformés par l’allergie. Ces visages, qu’ils soient maquillés ou bouffis, semblent très expressifs. Koko-di Koko-da parle pourtant avant tout d’un chagrin qui est inexprimable. Ce n’est pas un hasard si l’une des clefs du film se situe dans des séquences d’animations en ombres chinoises, où l’on ne distingue pas les traits.
On le croit un instant potache, Nyholm au contraire est à mille lieues de ces infantilisants drames du deuil où l’on apprend et où l’on surpasse les épreuves. Le film est suffisamment honnête vis à vis de ses personnages comme des spectateurs pour ne pas servir de telles salades. Il est remarquable de noter qu’au trop-plein de The Giant succède ici davantage d’épure (avec un film court, une ligne narrative claire, des boucles identifiables). Cela met en valeur la mise à nu des sentiments, comme lors de ce décrochage merveilleux dans les bois, où l’on suit un chat magique. Le film utilise beaucoup d’artifices précisément pour se débarrasser de tout ce qui est artificiel. On n’attendait pas Johannes Nyholm aussi haut aussi vite.
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par Nicolas Bardot