Kelly est une jeune péruvienne, échouée à Tanger avec ses trois frères. Elle enrage de ne pouvoir traverser le détroit pour rejoindre le continent européen, et la France, où l’attend sa mère. Son périple, du Pérou à Tanger, via la Guyane française, la débrouille, les galères, la prostitution… Kelly parle, se raconte, dit et répète son amour pour ses frères et sa mère. Cet amour la fait tenir.
Kelly
France, 2013
De Stéphanie Régnier
Durée : 1h05
Sortie : –
Note :
UNE FENÊTRE OUVERTE
L’une des scènes de Kelly, documentaire poignant réalisé par Stéphanie Régnier (lire notre entretien), montre l’héroïne qui résume son périple à travers l’Amérique du sud en un coup de crayon. Derrière la simplicité des traits dessinés sur une feuille à carreaux, on devine l’immensité de l’épreuve. Kelly fonctionne sur ce principe: film de chambre mais ouvert sur l’immensité du monde, film sur l’absence mais dont les protagonistes semblent omniprésents.
Kelly évoque les souvenirs de sa mère, son rapport complexe aux hommes. La caméra de Régnier s’échappe, capture quelques instants sur les terrasses de Tanger : ici une mère et sa fille, là quelques hommes, des ouvriers, des kékés, un homme qui se douche. Des images qui semblent volées au voisinage comme elles seraient tirées de la tête de Kelly, le film mêlant avec talent le doc brut (témoignage face caméra de Kelly, clandestine et expatriée) et une part de fiction, de fantasme (ce que la jeune femme imagine de sa vie d’ailleurs).
L’autre refrain visuel de Kelly, ce sont ces plans de bateaux qui naviguent dans le Détroit de Gibraltar, et l’horizon si proche de l’Espagne. Il y a évidemment une ironie tragique dans cette proximité, cette dizaine de kilomètres qui sépare le Maroc de l’Europe, et le fait que le but de Kelly (rejoindre la France, et sa mère) semble inatteignable. Et il n’y a pas une once de mélodrame dans le regard posé par Régnier sur Kelly. La réalisatrice l’écoute, Kelly faisant le reste : morgue et hargne, prolixe et passionnée ; sa voix a quelque chose, comme l’indique Régnier, de l’ordre d’une performance cathartique. En plus d’un portrait vibrant, Kelly raconte un état du monde, et la volonté de fer d’une petite femme qui se bat pour briser ses règles.
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par Nicolas Bardot