Critique : J’ai aimé vivre là

Dans la ville nouvelle beaucoup arrivent d’ailleurs, se mélangent, trouvent une place. Leurs histoires se croisent et s’incarnent ici à Cergy, où Annie Ernaux a écrit l’essentiel de son œuvre nourrie de l’observation des autres et de son histoire intime.

J’ai aimé vivre là
France, 2020
De Régis Sauder

Durée : 1h29

Sortie : 29/09/2021

Note :

LA PLACE

Qu’est-ce qui peut bien constituer une ville, qu’est-ce que celle-ci peut dire sur ceux qui l’habitent ? Ce sont des questions que Régis Sauder posait déjà dans Retour à Forbach, documentaire durant lequel le cinéaste revenait dans sa ville d’enfance où, au moment du tournage, les votes pour l’extrême-droite enflaient. Sauder se penchait sur le déterminisme social, l’enfance, la honte de venir d’un certain milieu. Toutes ces questions sont déplacées dans son nouveau film, J’ai aimé vivre là.

Mais cette fois, la caméra de Sauder quitte la Moselle qui lui est intime pour Cergy-Pontoise qui ressemble à un territoire étranger de science-fiction. Rohmer avait croqué de manière remarquable cette ville nouvelle dans L’Ami de mon amie il y a une trentaine d’années. Mais c’est quoi, Cergy ? Est-ce le lieu d’une utopie collective ? Ou est-ce un non-lieu ? Des gamins qui vont quitter la ville car ils s’apprêtent à aller faire leurs études à Paris sont filmés par Sauder avec un mélange d’excitation et de nostalgie. Une habitante plus âgée se souvient de son arrivée dans les années 70, alors en pleine campagne, les pieds dans la boue. Une autre, bouleversée, accueille aujourd’hui des réfugiés dans l’enceinte où, enfant, elle allait patiner.

Un décor encore futuriste, la vie au présent, et beaucoup de souvenirs. J’ai aimé vivre là propose ce voyage temporel, avec en fil rouge la voix et les mots d’Annie Ernaux. Des images aériennes sont accompagnés d’un texte de l’autrice, son visage se superpose sur l’espace. C’est une des consciences de la ville, et Ernaux s’attache aux images qui disparaitront – ça peut parfois être aussi trivial qu’un magasin de chaussures qui ferme. On a parfois le sentiment que J’ai aimé vivre là pourrait aller plus loin, plus profondément, mais ce doux attachement sans pittoresque saisit véritablement une émotion de la ville.

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par Nicolas Bardot

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