Festival de Karlovy Vary | Critique : Housekeeping for Beginners

Une femme homosexuelle est obligée d’élever la fille de sa compagne alors qu’elle-même ne veut pas être mère.

Housekeeping for Beginners
Macédoine du nord, 2023
De Goran Stolevski

Durée : 1h47

Sortie : –

Note :

MAISON DE FOLLES

Housekeeping for Beginners est le nouveau long métrage du cinéaste Australo-Macedonien Goran Stoleski après l’excellent You Won’t Be Alone qui l’a révélé à Sundance il y a deux ans (et après Of an Age, autre long métrage encore inédit en Europe). Autant commencer par pointer du doigt l’évidence, Housekeeping… n’a à peu près rien à avoir avec You Won’t be Alone, hormis la présence à nouveau remarquable de l’actrice roumaine Anamaria Marinca.
La fable fantastique médiévale en pleine nature laisse ici place au portrait réaliste (mais pas sans relief) d’une famille recomposée dont la plupart des membres sont queer, roms, et accessoirement un peu zinzin. Housekeeping n’offre certes pas le même vertige d’imagination que You Won’t Be Alone, ce qui peut décevoir à première vue, mais sa réussite se trouve ailleurs. Stoleski a ici davantage les pieds sur terre, et il en profite pour appuyer à fond sur l’accélérateur du queer, comme le montre un excellent choix musical récurrent qui ravira les fans des éditions récentes de l’Eurovision.

A coups de plans resserrés et immersifs, nous voilà directement plongés dans le quotidien d’une maisonnée chaotique au possible. Il y a là des enfants mais il nous faut un peu de temps pour arriver à détricoter ce joyeux bazar et comprendre qui sont les vrais parents et qui est en couple avec qui. Et le temps que cela s’éclaircisse un peu, patatras, un drame vient redistribuer les cartes. Dans cette maison grouillante où se croisent les plans Grindr de papa et des adolescentes qui jurent « sur leur bite » qu’elles sont des femmes, Dita à l’air d’avoir un peu plus sa tête sur les épaules que tout le monde. C’est sans doute pour cela qu’elle se retrouve du jour au lendemain à hériter du statut de gardien légal des enfants de sa compagne, elle qui ne voulait pourtant pas d’enfants. Marinca fait merveille dans ce rôle de matriarche malgré elle, traversant le film avec une fatigue consternée et des chemises mal repassées.

Cette famille-là aurait effectivement bien besoin d’un mode d’emploi pour mettre de l’ordre chez eux, comme l’indique le titre international du film. Housekeeping for Beginners offre plus d’une scène comique aux dialogues à faire rougir les drag-queens les plus mordantes, mais la tonalité générale est plutôt à la mélancolie douce-amère. La place donnée (du bout des doigts) aux personnes roms dans la société macédonienne et européenne traverse tout le film. Tous les virages du scénario vers la gravité de ce sujet n’ont pas la même habileté, mais l’ensemble conserve néanmoins jusqu’au bout un côté attachant. Et après tout, les sentiments délibérément exacerbés, dans la potacherie comme dans le tragique, c’est aussi une définition du vécu et du cinéma queer.

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par Gregory Coutaut

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