Lazzaro, un jeune paysan d’une bonté exceptionnelle vit à l’Inviolata, un hameau resté à l’écart du monde sur lequel règne la marquise Alfonsina de Luna. La vie des paysans est inchangée depuis toujours, ils sont exploités, et à leur tour, ils abusent de la bonté de Lazzaro. Un été, il se lie d’amitié avec Tancredi, le fils de la marquise. Une amitié si précieuse qu’elle lui fera traverser le temps et mènera Lazzaro au monde moderne.
Heureux comme Lazzaro
Italie, 2018
De Alice Rohrwacher
Durée : 2h06
Sortie : 07/11/2018
Note :
LES JOYEUX FANTÔMES
Mais où peut bien se dérouler l’action de Heureux comme Lazzaro ? Qu’est-ce qui se passe dans ce paysage lunaire et à vrai dire, à quelle époque sommes-nous ? Les Merveilles, précédent long métrage de la réalisatrice italienne Alice Rohrwacher, baignait déjà dans une grande étrangeté hors du monde et hors du temps. Heureux comme Lazzaro poursuit ce geste et constitue un bon diptyque avec Les Merveilles en faisant un nouveau portrait d’invisibles, porté par une grande dimension poétique et in fine politique.
Car la réalité de Heureux comme Lazzaro semble être celle d’un conte. Une figure christique au cœur d’or observe le monde, les yeux grands écarquillés. Une marquise zinzin lookée comme Joyce Carol Oates semble régner sur ses serfs mais si les indices temporels sont volontairement flous et gommés, nous ne sommes plus au Moyen-âge. Heureux comme Lazzaro s’inspire pourtant, même si cela semble fou, de faits réels. Et la réalisatrice décrit, à travers le conte, la fin de la civilisation paysanne, et un monde qui s’effondre pour (à peine) renaître ailleurs.
« Est-ce un immeuble qui marche ? », se questionne t-on en voyant au loin de mystérieuses lumières. Les personnages de Heureux comme Lazzaro semblent vivre comme des protagonistes du Village de Shyamalan. Devant nos yeux, le palais décadent est peu à peu gagné par la verdure et la nature qui reprend ses droits. Il y a la candeur de la fable, il y a aussi le constat social amer et d’une grande violence malgré la douceur apparente. Lazzaro raconte l’indifférent abandon d’un monde et de sa population, métaphoriquement comme littéralement.
On peut préférer lorsque le film se situe davantage dans la sensation que dans le commentaire. Mais cette texture d’image en super 16 et ce sens du mystère ont du panache et une ampleur, peignant le désenchantement d’une société où même la musique s’est enfuie.
>> Heureux comme Lazzaro est visible librement sur Arte Replay jusqu’au 17 novembre
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par Nicolas Bardot