LA MACHINE DE MORT

Heroico débute par l’interrogatoire qu’un examinateur fait passer à Luis, le jeune protagoniste, au moment où celui-ci souhaite intégrer une prestigieuse école militaire. La caméra ne filme que le jeune homme tandis que s’enchainent les questions de son interlocuteur resté hors-champ. Anonnées avec la dureté et la cadence d’une machine qui n’attend ni réponse ni contradiction, celles-ci sont d’abord normales, puis de plus en bizarres (« Avez vous déjà ressenti de l’attirance pour le même sexe?  » « Comment vous sentez-vous quand vous êtes en colère? « ).

L’action de Heroico se déroule presque intégralement dans l’enceinte de cette école, réputée la plus stricte de tout le pays, et Luis retrouve à l’intérieur l’inquiétante ambivalence de cet entretien d’ouverture. Pourquoi son supérieur pas vraiment commode lui accorde-t-il d’emblée un traitement de faveur tandis que ses camarades ne récoltent que des coups? Que peut signifier un sourire quand les bourreaux sont déjà tout en joie d’humilier ensemble des garçons plus faibles qu’eux ?

Le réalisateur mexicain David Zonana s’était fait remarquer il y a trois ans avec son premier long métrage, Mano de obra, dans lequel il faisait déjà preuve d’un sens élégant de la tension. Dans Heroico, la terreur de la mécanique autoritaire ne cherche pas à être éprouvante comme dans certains de Michel Franco (par ailleurs producteur du film) ni franchement fantastique comme dans l’inédit The Hole in the Fence, mais quelque part entre les deux, quitte à perdre momentanément son adresse dans un final abrupt.

Pour maintenir cet équilibre, Zonana utilise des codes pas toujours inédits (symétrie des plans, bourdonnement venu de nulle part) mais néanmoins efficaces. Il possède surtout un atout de taille, son incroyable décor : une école qui semble creusée à même la montagne, dans une pyramide aztèque prête à accueillir les sacrifices les plus primitifs. Et en mettant en avant la vénéneuse beauté de l’endroit (à travers des couleurs chaudes et des composition très soignées), le film nous met dans la peau de ses protagonistes hypnotisés par un système prêt à les avaler.

| Suivez Le Polyester sur Twitter, Facebook et Instagram ! |