Festival de La Roche-sur-Yon | Critique : Fogo de vento

Une fille se coupe sur une vigne, son sang se mêle au vin et aussitôt surgit un taureau menaçant. Réfugiés dans les arbres en attendant les secours, les vendangeurs laissent vagabonder leur esprit. La mémoire personnelle et collective se mêle alors aux mythes et aux voix de la nature.

Fogo de vento
Portugal, 2024
De Marta Mateus

Durée : 1h12

Sortie : –

Note :

SUR LA BRANCHE

C’est une récolte de raisins, quelque part au sud du Portugal. Les personnages coupent, coupent et coupent ; la réalisatrice portugaise Marta Mateus est attentive à leurs gestes répétés. Le découpage délicat et élégant s’attarde sur les fruits, une main, des pieds, ou des pièces qui ont roulé au sol. C’est un humble quotidien, et pourtant tout dans ce film discret crève l’écran : le ciel, les feuilles, les vignes. Pour son premier long métrage, dévoilé à Locarno et qui fait sa première française au Festival de La Roche-sur-Yon, Marta Mateus accomplit un travail pictural stupéfiant.

Suite à l’irruption (là encore, entre banalité et merveilleux) d’un taureau, les protagonistes se mettent à grimper aux arbres. Là, les sources lumineuses éclairant les visages à travers les feuillages plongent Fogo do vento dans une délectable poésie visuelle. Mateus a mis plus de quatre ans à faire son long métrage et celui-ci a été tourné principalement en lumières naturelles : on se pince pour le croire en voyant le résultat aussi superbe qu’irréel, composé avec minutie. Des journées entières dans les arbres (des nuits aussi) : ce concept rappelle le récent Sous les figues de la Franco-Tunisienne Erige Sehiri qui racontait tout un vaste monde depuis les figuiers.

Coproduit par Pedro Costa, Fogo do vento décolle du réel et ce littéralement, puisqu’en quittant la terre, le film embrasse une tension fantastique. Les temporalités se mêlent et Fogo do vento devient un subtil film de fantômes. Les indices des guerres et révolutions d’hier sont disséminés à l’écran, les passés et présents cohabitent mais rien n’est jamais littéral. Le film nous attend à mi-chemin et espère que nous ferons le parcours restant. C’est l’un des paradoxes du film, qui raconte une histoire de la terre en n’ayant jamais les pieds sur celle-ci. Le fil à suivre est bien davantage poétique que narratif dans cette petite perle à l’antithèse d’un cinéma régionaliste lisse. Et puis une question : combien de films se déroulant intégralement dans les arbres avez-vous vus ?

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par Nicolas Bardot

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