A voir en ligne | Critique : Énorme

Ça lui prend d’un coup à 40 ans : Frédéric veut un bébé, Claire elle n’en a jamais voulu et ils étaient bien d’accord là-dessus. Il commet l’impardonnable et lui fait un enfant dans le dos. Claire se transforme en baleine et Frédéric devient gnangnan.

Énorme
France, 2019
De Sophie Letourneur

Durée : 1h41

Sortie : 02/09/2020

Note :

BONNE MAMAN

On connaissait le cinéma de Sophie Letourneur comme un curieux cousin d’Eric Rohmer. Avec des comédies telles que Les Coquillettes ou Gaby Baby Doll, Letourneur (comme Rohmer) se concentrait sur le décalage entre la logorrhée de ses protagonistes et leurs actions. Cela pouvait être drôle chez elle, poignant chez lui – ou l’inverse. Le décalage, dans Énorme, vient d’ailleurs : c’est celui d’un antagonisme comique plus classique. Il est survolté et veut un bébé, elle est défoncée et n’a plus envie de rien.

Letourneur a le sens du détail, et surtout celui de l’absurdité. Quand la pianiste de renom Claire Girard (incarnée par une excellente Marina Foïs) débarque sur scène dans une robe de Reine des neiges (et rappelant l’hilarante robe Donald des Coquillettes), Letourneur n’a pas besoin d’en faire des caisses pour rendre sa scène drôle. Cette absurdité se retrouve aussi dans l’inversion des rôles – ce n’est pas la future maman qui rêve de bébé mais le futur papa qui a une épiphanie. La redistribution des rôles met en lumière leur absurdité-même : l’époux qui se dandine en sous-vêtements « sexy » ou cette idée selon laquelle, désormais, il y aurait derrière chaque grande femme un grand homme. Toute structure, tout idée figée est une farce.

« Ce sera comme une fantaisie impromptue ? », entend-on au détour d’une scène. Ce sera, en tout cas, un spectacle assez peu conventionnel. Le burlesque physique chez Letourneur nait d’une étrange dynamique. Les scènes sont courtes voire ultra-courtes, le montage bourrin (est-ce une insulte que de dire qu’on pense parfois à Jean-Marie Poiré ?), la photo brute – on peut ici zoomer dans un pif sans chercher l’élégance. Il y a dans Énorme une aspérité moche qui surprend d’abord mais qui, d’un point de vue comique, fonctionne – comme un masque de clown crado plutôt qu’un parfait maquillage léché.

Au final, qu’en est-il de la « magie d’enfanter » ? Le film fait preuve d’un mauvais esprit assez réjouissant, comme lorsqu’il montre une pub de bébé-bonheur maculé d’un mouchetis de boue. Il devient un peu plus classique en délaissant la comédie pour l’émotion. Mais la personnalité lunaire de Sophie Letourneur continue de charmer dans ce film qui a l’air mini mais décrit une aventure aussi énorme et improbable qu’un maxi-bidou de femme enceinte.


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par Nicolas Bardot

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