Festival Cinélatino | Critique : El Castillo

Femme de ménage racisée, Justina reçoit par surprise un héritage de son ancienne patronne. Immense manoir laissé à l’abandon, le cadeau s’avère empoisonné. Quant à Alexia, la fille de Justina, elle préférerait de loin retourner à Buenos Aires pour travailler comme pilote automobile. 

El Castillo
Argentine, 2023
De Martín Benchimol

Durée : 1h18

Sortie : –

Note :

LA VIE DE CHÂTEAU

El Castillo ressemble à première vue à un conte ; la musique a l’air de venir d’un Walt Disney ou d’un mélo rétro, la typo du générique est ronde et coquette, les animaux paisibles vont et viennent, et puis il y a ce décor : un château. Perdu au milieu de nulle part, posé là comme une anomalie. C’est une fantaisie, et c’est justement l’occasion pour le cinéaste argentin Martín Benchimol de jouer de ce contraste avec le réel. D’abord de manière assez invisible : aussi étonnant que cela puisse paraître, l’histoire d’El Castillo est inspirée de faits réels, les actrices vivent ici et ont vraiment hérité de cette demeure. De façon quasi-imperceptible, c’est le documentaire qui vient nourrir la fiction plus grande que nature.

Le contraste vient aussi des difficultés auxquelles sont confrontées Justina et sa fille Alexia. Comment entretenir le manoir avec des moyens qui restent limités ? El Castillo pose la question de l’ascension sociale – celle-ci paraît impossible même lorsqu’un deus ex machina tombe sur la tête des héroïnes. Pire : considère-t-on vraiment que cette demeure peut appartenir à Justine, ex-gouvernante venue du Paraguay ? La famille de son ancienne patronne s’invite comme dans sa résidence secondaire ; même élue, même propriétaire, Justine est renvoyée à sa classe et n’est perçue que comme locataire de ce bien.

Le beau château de rêve serait-il un château hanté ? C’est une piste qui n’est jamais exploitée car à vrai dire, même si les lieux sont défraichis, ce qui fait peur vient avant tout de l’extérieur. Lors de moments visuellement saisissants, on voit Justina en plan large, avalée par la nuit noire de la pampa, le visage seulement éclairé par la lumière de son téléphone portable. Qu’est-ce qui va la rattraper, ou la faire chuter ?

Cette tension est dénouée de manière assez habile par le cinéaste. Le film fait preuve de générosité envers ses protagonistes. Pendant l’orage, celles-ci se lamentent davantage sur le triste destin de l’héroïne de la telenovela qu’elles regardent ensemble que sur leur sort à elles. Le portrait en noir et blanc de l’ancienne patronne est accroché au mur et ne ressemble pas à une inquiétante menace : on dirait plutôt une star qui veille sur elles. Le chat se promène dans l’argenterie, l’agneau est confortablement installé sur un fauteuil, le cochonnet reçoit la becquée. De manière assez galvanisante et sans angélisme pour autant, El Castillo souligne la force de ses héroïnes et comment ces dernières peuvent trouver la place qu’elles méritent.

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par Nicolas Bardot

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