Critique : The Human Surge 3

Au Pérou, à Taïwan et au Sri Lanka, des groupes de jeunes adultes vivent leur vie, se promènent dans la nature et rêvent d’autres horizons. Le réel et le merveilleux se superposent dans cette œuvre inclassable, documentaire tourné avec une caméra à 360 degrés. Un voyage immersif et suspendu où les images se métamorphosent sous nos yeux.

The Human Surge 3
Argentine, 2023
De Eduardo Williams

Durée : 2h01

Sortie : 03/07/2024

Note :

LES LIENS INVISIBLES

« Tu ne t’étais pas enfui ? » : toute la première réplique du nouveau film d’Eduardo Williams fait preuve d’une certaine ironie. C’était il y a sept ans, et déjà au Festival de Locarno, que le cinéaste argentin s’était fait très remarquer avec son premier long métrage, El Auge del humano, qui était reparti doublement primé. Depuis, alors que continue de grandir la réputation quasi-culte de cet ambitieux ovni cinématographique, Williams s’est montré étonnamment absent, ne signant que quelques courts métrages. S’était-il enfui lui aussi ? Quoi qu’il en soit, l’attente touche enfin son terme aujourd’hui puisque le voilà le retour à Locarno pour présenter son second long métrage.

Ce nouveau long s’intitule The Human Surge 3, et ce alors qu’il n’a jamais existé de volume 2. Ce clin d’œil, qui vient anticiper la perte de repères temporels et géographiques qui nous attend dans ce film, n’est peut-être pas l’idée la plus légère du cinéaste, qui semble avec ce titre prendre une pose un peu trop cool pour être entièrement honnête. Il n’empêche que ce volume 3 possède une cohérence flagrante avec le volume 1, même si on n’y retrouve ni les mêmes personnages ni les mêmes pays (l’Argentine, le Mozambique et les Philippines laissent ici place au Pérou, à Taïwan et au Sri Lanka). Il n’est pas indispensable d’avoir vu le premier film pour apprécier ou comprendre celui-ci, mais cette précision est sans doute évidente face à des œuvres de toutes façons aussi inclassables.

Dans trois régions du monde très différentes, des groupes de jeunes adultes vivent leur vie. Ils parlent de leur travail pénible, rêvent d’autres horizons en se promenant dans la nature… et c’est à peu près tout. Le film nous plonge à leurs côtés sans jamais nous donner leurs noms ni la moindre explication sur leurs relations où même l’endroit où nous sommes. Au fil d’un montage alterné, nous entrons et sortons de ces scènes de captation documentaire sans début ni fin, et sans liant entre elles, comme si nous étions dans un rêve abrupte ou une perpétuelle boucle de réincarnation. Dans le premier long métrage de Williams, cette formule générait un vertige éloquent qui ne donnait pas seulement l’impression de changer de pays mais carrément de dimension (difficile d’oublier la folle séquence où la caméra rentrait sous terre pour soudain explorer en gros plans une fourmilière). L’effet de surprise en moins, la magie devient cette fois plus aride et répétitive.

Prises indépendamment les unes des autres, toutes ces discussions sont relativement banales (voire carrément inintéressantes), mais Williams parvient à les mettre en scène de façon étonnante à l’aide d’une caméra à 360 degrés qui rend la moindre scène immersive comme de la VR. Placée légèrement en hauteur de la tête des personnages, elle donne une place inattendue au spectateur qui se retrouve en train de planer doucement au-dessus d’eux comme un spectre bienveillant. L’effet est très fort, mais il ne rééquilibre pas toujours la très exigeante lenteur de cette errance énigmatique. On se demande si Williams ne prend pas un trop malin plaisir à nous maintenir dans un flou perpétuel. Il faut avoir la patience d’attendre les 20 dernières minutes du film pour être récompensé par une superbe séquence où la caméra s’envole au-dessus d’une colline, où l’image se pixelise et se métamorphose sous nos yeux. Comme si le documentaire et le fantastique se superposaient enfin dans un moment suspendu et unique.

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par Gregory Coutaut

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