Arndt, expert en armes biologiques, cherche des preuves contre Saddam Hussein quand Curveball, réfugié irakien, prétend avoir des informations exclusives.
Curveball
Allemagne, 2020
De Johannes Naber
Durée : 1h48
Sortie : –
Note :
JEU DE DUPES
Tout dans Curveball a l’air faux, volontairement. La reconstitution artificielle des la RFA des années 70 est plus vraie que nature, des tickets de cantines poinçonnés jusqu’aux cendriers dans les bureaux, sauf que les événements relatés sont censés avoir lieu au début des années 2000. Jamais expliqué, ce décalage jusqu’au-boutiste (et un peu lourd) est l’un des partis pris les plus étonnants du film. Ce qui a l’air faux c’est surtout cette histoire abracadabrantesque de services secrets menés en bateau comme des amateurs par les affabulations d’un quidam, et des réactions en chaine à l’échelle mondiale de cette arnaque.
Sauf que dans Curveball tout est vrai. Il est désormais avéré qu’au tournant des années 2000, alors que l’occident cherchait a faire tomber Saddam Hussein, un demandeur d’asile irakien à Munich a réussi à faire croire aux renseignements allemands qu’il détenait des infos secrètes sur la fabrication d’anthrax – les fameuses armes de destructions massives qui ont servi d’argument aux Etats-Unis pour entrer en guerre. Le gouvernement allemand a fini par réaliser que ces preuves n’existaient pas (sans pour autant l’admettre publiquement) mais n’a pas pour autant cherché à empêcher l’invasion américaine. « Incroyable mais vrai, hélas » comme prévient le carton au début du film.
Plutôt que de se pincer pour y croire, on a envie d’être réveillé en urgence de ce cauchemar. Cette crise internationale pourrait donner lieu a bien des documentaires, mais Curveball est une comédie d’espionnage. Or y a-t-il vraiment de quoi rire dans cette affaire si odieusement scandaleuse ? Heureusement, le cinéaste Johannes Naber n’a pas l’humour irresponsable. Si son point de vue n’est pas toujours évident à saisir dans cette entreprise de divertissement, son humour a au moins la décence d’être dépressif et grinçant, même s’il pourrait aller encore plus loin dans cette direction (et en bénéficier). Cette triste comédie (à quel point fait-elle exprès d’être sinistre?) c’est aussi celle de l’absurdité vertigineuse des décisions prises par nos dirigeants. Mieux vaut en rire? Mieux vaut essayer en tout cas.
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par Gregory Coutaut