Berlinale | Critique : Concerned Citizen

Ben plante un arbre dans la rue devant sa maison à Neve Sha’anan, un quartier au sud de Tel Aviv. Ben est en couple avec Raz. Ils jouissent ensemble d’une existence bien établie et désirent avoir des enfants. Mais un jour, un conflit de voisinage éclate autour de l’arbre que Ben a planté…

Concerned Citizen
Israël, 2022
De Idan Haguel

Durée : 1h22

Sortie : –

Note :

QUARTIER LOINTAIN

Concerned Citizen s’ouvre par le geste bienveillant du protagoniste principal, Ben, qui plante un arbre (de la paix ?) devant son domicile à Tel Aviv. Ben est en couple avec Raz, leur quotidien semble confortable, et ils vont bientôt avoir un enfant. Ils « aiment à penser » que la mère de ce dernier vit tout à fait bien sa situation, que leur quartier multiculturel est l’endroit idéal pour élever leur progéniture. La vitrine est parfaite mais on sait, après avoir vu le premier long métrage de l’Israélien Idan Haguel (Inertia, sorti chez nous en 2017), que le cinéaste n’est pas contre tracer quelques rayures sur une surface irréprochable.

On entend régulièrement les sirènes de police dans le quartier où vit le couple. Lorsque Ben surprend deux Erythréens appuyés sur son arbre fragile, le vernis social a vite fait de se craqueler. A l’image du lisse Avé Maria qui retentit dans l’appart et est interrompu par le bruit de l’aspirateur, la mélodie millimétrée de l’existence de Ben va bientôt se charger de fausses notes et de couacs inattendus. La lâcheté, la violence de la gentrification et du privilège, le classisme et le racisme vont être libérés par un « événement » a priori trivial et absurde – un bras posé un peu trop lourdement sur un arbre.

Dans Inertia, une femme dont le mari a disparu découvrait que sa vie était bien plus réjouissante toute seule. Haguel détournait le « portrait de femme digne » en donnant au drame un ton de comédie, l’anxiété devenant le moyen idéal pour un rire jaune. Le ton, à nos yeux, est moins riche dans ce nouveau film. La chape de culpabilité qui pèse sur Ben finit par peser sur le film qui aurait peut-être gagné à plus de variété de tons et de respirations. Sa transformation et sa relation aux autres ont parfois l’air binaire et trop brutales, et l’intervention d’un psy qui souligne les non-dits n’est probablement pas la meilleure idée du film.

Haguel, néanmoins, garde ce bon mauvais esprit pour égratigner le conformisme lisse dans lequel vit ce couple gay bourgeois, à gym et compléments alimentaires, et qui très confortablement fait semblant de ne se rendre compte de rien. Avoir des représentations positives est une chose, avoir également ce type de personnage médiocre et complexe est aussi une avancée. Le cinéaste nous fait partager une mauvaise morale qui donne du relief au film (un relief qui, de temps à autre, manque dans la forme). Jusqu’à son faux happy end, Haguel ne ménage pas son personnage pour qui la vie d’autrui n’est qu’une infographie sommaire. Et ce faisant, il ne ménage pas non plus le public avec ce récit inconfortable et plutôt réussi.

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par Nicolas Bardot

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