Critique : Club Zero

Miss Novak rejoint un lycée privé où elle initie un cours de nutrition avec un concept innovant, bousculant les habitudes alimentaires. Sans qu’elle éveille les soupçons des professeurs et des parents, certains élèves tombent sous son emprise et intègrent le cercle très fermé du mystérieux Club Zéro.

Club Zero
Autriche, 2023
De Jessica Hausner

Durée : 1h50

Sortie : 27/09/2023

Note :

JEÛNE ET JOLI

L’Autrichienne Jessica Hausner (lire notre entretien) est une cinéaste de l’invisible. Cela pourrait paraître paradoxal pour une artiste aussi attachée à composer une direction artistique généreuse, mais entre le sentiment de menace dans Hôtel et le miracle de Lourdes, on peut même dire qu’elle ne filme que ça. Dans son précédent long métrage, Little Joe, Hausner utilisait un mouvement de caméra particulier : lorsque deux personnages dialoguaient face à face, la caméra venait se concentrer non pas sur eux mais sur le vide entre eux. Comme la cinéaste nous le confiait alors, c’était une manière d’inviter le hors-champ au cœur du film. Club Zéro, son nouveau long métrage, s’approche cette fois à pas feutrés du plus ultime des hors-champs : la foi, l’au-delà ou encore la mort. Comme souvent dans son cinéma ambigu, il est difficile de pointer du doigt un seul et unique sujet. Tant mieux.

Club Zéro a beau débuter par un message d’avertissement (certaines scènes pouvant éventuellement mettre mal à l’aise les personnes souffrant de troubles alimentaires), il s’agit sans doute d’un de ses films les plus immédiatement lisibles et accessibles. Toute mystérieuse qu’elle soit, l’histoire est en effet simple : dans une école internationale huppée, une jeune professeure en nutrition (Mia Wasikowska, étonnante avec ses airs de scout androgyne et sa politesse de robot illuminé) va encourager ses élèves adolescents à remettre en question leur rapport à la nourriture. Telle une joueuse de flûte de Hamelin, elle va les pousser jusqu’à un jeûne extrême qui les emmènera vers un état de conscience supérieur et un monde meilleur.

Quelque part entre rire et malaise, le ton lunaire de Club Zero n’est franchement pas celui du réalisme. Cette distance avec la réalité, Hausner la souligne avec un traitement visuel poussé vers un paroxysme baroque et pop. Le jeu sur les couleurs (des uniformes, des chambres d’ado, des vaisselles et des cuisines) vient déjouer les attentes même les plus ouvertes, tandis que les costumes chics d’Elsa Zylberstein et surtout Sidse Babett Knudsen (digne d’une fascinante cartomancienne bourgeoise) racontent une fable chatoyante et étrange à eux tous seuls. Ce n’est pas que de la coquetterie : cette série de décalages esthétiques participent activement à nous faire perdre nos repères, comme si on ne se trouvait plus dans un lycée mais un vaisseau spatial.

Pour qui n’a pas peur de ce flirt avec le mauvais goût, Club Zero est une réussite plastique. La principale limite de ce conte cruel est en revanche de ne peut-être pas apporter grand chose de neuf à la filmographie élégamment zinzin mais faussement douce de la réalisatrice, et de trop s’approcher du malaise pour atteindre à nouveau des sommets d’ambivalence. On retrouve ici les zooms de Little Joe, mais la caméra vient cette fois buter sur les visages impassibles des personnages. L’effet perd en mystère, mais pas en brutalité. Après tout, comme nous le disait la cinéaste, « On devrait tous souhaiter avoir le pouvoir de regarder le néant dans les yeux ».

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par Gregory Coutaut

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