Critique : Climax

Naître et mourir sont des expériences extraordinaires. Vivre est un plaisir fugitif.

Climax
France, 2018
De Gaspar Noé

Durée : 1h35

Sortie : 19/09/2018

Note : 

DANSE MACABRE

Climax, en anglais, c’est l’orgasme. C’est également ce moment d’extase où l’effet de la drogue est à son apogée. De façon plus générale, c’est le point d’orgue, qui par sa définition-même appelle son envers : la redescente. Le nouveau film de Gaspar Noé c’est tout ça à la fois. Climax c’est l’euphorie pure de la montée puis le bad trip cauchemardesque. « Une montagne russe qui se transforme en train fantôme » selon les mots du réalisateur.

Le plaisir, c’est d’abord celui d’une troupe de danseurs, réunis pour un week-end de répétition. Au-delà de leurs différences et de la méfiance qu’ils s’inspirent, ils s’abandonnent à la danse dans une jubilation contagieuse, comme transportés par leur art. Devant ce long plan séquence, le spectateur est lui-même frappé de béatitude, à s’en rouler les yeux sous les paupières. Voilà un numéro de danse comme on n’en a jamais vu dans le cinéma français (et pas seulement parce qu’il s’agit – entre autres – de voguing) : une exceptionnelle chorégraphie de groupe filmée par une caméra en état d’apesanteur (beaucoup de plongées, comme toujours chez Noé), qui accompagnent les danseurs jusque dans leur dips et leur death drops. On en rajoute une couche, mais il y a vraiment de quoi rester bouché bée.

Après ce 7e ciel, les personnages de Noé ne font pas que redescendre sur terre, ils tombent en enfer. L’alcool, la drogue et l’épuisement transforment les tensions en paranoïa, en terreur, puis carrément en visions apocalyptique. Les danseurs perdent conscience, reviennent à un état presque animal, ça baise, ça panique et ça tabasse. La danse devient une transe, comme dans cette impressionnante scène où dans une lumière verdâtre, une jeune fille erre dans un couloir comme prisonnière de son propre corps. Ce clin d’œil à Possession n’est pas la seule référence de ce film de cinéphile. On pourrait citer aussi bien Argento (pour l’angoisse gothique et les couleurs criardes) que Fassbinder (pour la déchéance crade mais flamboyante), entre autres.

Noé n’y va pas avec le dos de la cuillère, et n’évite pas certains détails lourds. On retrouve ainsi au détour d’une scène un personnage secondaire récurrent (et agaçant) de ses films : le jeune homo sensible qui rêve de baiser avec un caïd hétéro bas du front. Passé ce détail, il faut souligner et fêter le rafraîchissement intense de voir un film sur la jeunesse française (« un film français et fier de l’être » crane ironiquement l’un des intertitres du film) au casting aussi inclusif : noir, arabe, queer. On trouve même au casting une actrice trans dans un rôle cis : combien d’autres films peuvent s’en vanter ? Climax est un film comme nul autre. Un film d’horreur presque entièrement dansé, où la grâce de certaines scènes laisse pantois, mais qui demeure éprouvant comme les meilleurs films catastrophe.

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par Gregory Coutaut

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