Festival de Karlovy Vary | Critique : Cabo Negro

Deux jeunes de Casablanca, Soundouss et Jaâfar, passent l’été dans une villa à Cabo Negro, au nord du Maroc. La villa appartient à l’amant de Jaâfar, un Américain de New York plus âgé nommé Jonathan. Depuis quelques mois, Soundouss est amoureuse de sa camarade, Soumaya. Cet amour la fragilise et la rend heureuse en même temps. Elle découvre l’homosexualité. Jonathan qui devait les rejoindre ne vient pas. Les deux jeunes gens décident de rester dans la villa.

Cabo Negro
France/Maroc, 2024
D’Abdellah Taïa

Durée : 1h16

Sortie : –

Note :

NOUS AVONS, VOUS AVEZ, LA MAISON

Quoi de plus parfait que des vacances d’été sans adultes quand on a l’âge des premiers amours ? Soundouss et Jaâfar s’apprêtent à passer un séjour idéal, loin de leur quotidien, dans une villa de Cabo Negro au Nord du Maroc. La villa est confortable, le soleil caresse déjà les corps pressés de se mette en maillot. Jaâfar le sensible attend impatiemment la venue de son mentor Jonathan, le propriétaire des lieux qui leur a prêté les clés, tandis que la sage Soundouss envoie des messages enflammés à son amante restée à Casablanca. Tout a l’air réuni pour des vacances idéales, mais les invités attendus amoureusement par les protagonistes peinent décidément à donner des nouvelles. Le désir adolescent laisse peu à peu place à une attente circonspecte et mélancolique.

Quoi de plus confortable qu’un film d’été ? Dans cette famille de films, très souvent représentée dans le cinéma français, les codes varient rarement pour raconter l’éveil sentimental de jeunes adultes au soleil. Le romancier marocain Abdellah Taïa (Le Jour du roi, Un pays pour mourir), dont Cabo Negro est le deuxième film, n’a au contraire pas peur des virages et apartés. Il tisse ici un scénario délicat, très proche de la sensibilité de ses personnages, et pourtant imprévisible, riche de contrepieds amenés sans tambour ni trompette. A force d’attendre Godot, Soundouss et Jaâfar vont en effet grandir, mais pas selon les clichés cinématographiques habituels. Rien n’est trop facile ici, on y ressent plutôt le poids d’une sourde malédiction contre laquelle tout rituel est bon à prendre.

L’échelle de Cabo Negro demeure somme toute assez réduite, et cela peut donner la fausse impression que le résultat ne va pas dépasser le stade de l’anecdotique ou du convenu (dans certaines scènes, le phrasé articulé peut évoquer les interprètes de Rohmer). Il y a pourtant beaucoup de personnalité dans cette carte du tendre aux chemins zigzagant par-dessus les frontières. Les différentes rencontres qui vont ponctuer ces quelques jours de vacances vont agrandir le cœur des protagonistes et en même temps élargir l’ambition du scénario dans des directions poignantes et étonnantes. Le résultat final serre le cœur avec une intensité qu’on n’avait pas vu venir.

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par Gregory Coutaut

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