TIFF 2022 | Critique : Blue Moon

Irina lutte pour recevoir une éducation supérieure et échapper à sa famille dysfonctionnelle. Une expérience sexuelle ambiguë avec un artiste va accentuer son intention de lutter contre la violence de sa famille.

Blue Moon
Roumanie, 2021
De Alina Grigore

Durée : 1h25

Sortie : –

Note :

SI TU CHERCHES LA BAGARRE

Blue Moon est le tout premier film réalisé par la Roumaine Alina Grigore, mais on a déjà pu croiser cette dernière en tant qu’actrice et scénariste auprès de son compatriote Adrian Sitaru. C’était dans Illégitime, un film féroce et tordu qui faisait déjà le portrait d’une violence familiale. Comme Illégitime, Blue Moon nous plonge en quelques secondes dans le bain bouillant d’une famille particulièrement intense. Dans la toute première scène, Irina est encore endormie que sa sœur vient s’allonger sur elle pour lui crier dessus. Même une fois dégagée de cette posture encombrante, même une fois sortie dans le couloir où c’est un cousin qui la houspille, même une fois sur la terrasse où c’est toute la famille qui a son mot à dire sur elle : Irina ne peut pas davantage respirer.

Irina a 22 ans, mais avec sa timidité et son visage caché derrière ses longues mèches, on lui en donnerait plutôt 14. La pension où elle vit avec sa famille est censée être un paradis pour touristes mais elle ressemble plutôt à un asile de fous, dans un état de nervosité pas possible. Irina rêve de partir étudier ailleurs, mais son horizon est bouché. Pour elle comme pour sa sœur comme toutes les autres femmes, il n’y a pas vraiment d’autre option que de la fermer, et il n’y a nulle part où se cacher où l’on soit à l’abri d’une éventuelle gifle. De fait, on se croirait presque moins dans un cinéma d’auteur roumain à l’élégance rigide que devant un film de baston.

Blue Moon possède ses respirations où Irina peut enfin s’exprimer et devenir la femme nuancée, crédible et ambiguë qu’elle mérite d’être, mais Alina Grigore fait preuve d’une écriture puissante où les respirations sont toujours secouées de hoquets de violence psychologique. Le film menace de virer au survoltage épuisant, et pourtant Grigore parvient à rendre ces petites explosions toujours imprévisible, nous faisant ainsi partager l’angoisse d’une jeune femme toujours aux aguets du prochain interdit. Blue Moon est un film que l’âpreté ne rend pas aisément aimable, mais il sait aussi ouvrir la fenêtre pour laisser rentrer le vent d’une folie presque grotesque (du sang se met à apparaitre un peu partout, sans qu’on l’explique ni prenne le temps de s’en étonner). Cela lui donne une respiration bien à lui : brève et intense comme un sprint.

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par Gregory Coutaut

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