A la suite d’une agression sexuelle, la jeune actrice Noel se rend à Blue Imagine, un refuge pour les personnes ayant subi des violences. Avec l’aide des autres résidentes, elle parvient à reprendre confiance en elle et décide de confronter son agresseur.
Blue Imagine
Japon, 2024
De Urara Matsubayashi
Durée : 1h33
Sortie : –
Note :
UN COIN DE CIEL BLEU
La première image de Blue Imagine est un gros plan sur une bouche. Voilà qui est suffisamment éloquent : le long métrage, immédiatement, met en avant le témoignage d’une jeune femme, agressée sexuellement dans le cadre d’un projet de film. Cette ouverture et ce gros plan placent sa parole au centre ; et de fait, lors de la présentation de Blue Imagine en première mondiale au Festival de Rotterdam, sa productrice et scénariste Minami Goto a parlé d’une volonté d’« amplifier des voix ignorées » à travers ce film.
Blue Imagine est le nom d’un safe space créé pour accueillir des femmes qui ont été victimes de telles violences. Ce lieu est, entre autres, une réponse à l’absence de considération de la société, qu’il s’agisse du déficit d’écoute des hommes (même prétendument bienveillants) ou de la frilosité (hostilité ?) de la presse qui n’accompagne pas ces témoignages. Le travail sur #MeToo semble déjà fait selon des bonshommes rigolards : « c’est un monde de femmes maintenant, d’ailleurs toutes mes meilleures assistantes sont des femmes » commente un gaillard fier de lui. L’existence de Blue Imagine, dont la démarche est proche du récent documentaire japonais Black Box Diaries (dévoilé à Sundance), mesure le long chemin à parcourir.
Pour son premier long métrage, Urara Matsubayashi (qui s’est également illustrée comme actrice) signe une mise en scène très épurée, où l’image est comme parée d’un voile pudique. Quelle violence est tue derrière les sourires et la bienséance toute japonaise ? Qu’est-ce que la parole de l’une libère chez l’autre ? Quel réconfort mais aussi quel poids politique revêt la sororité ? Blue Imagine a une dimension didactique évidente, ce qui n’est pas un défaut – sauf quand le film se montre trop démonstratif. Il a néanmoins pour lui son humilité, mais aussi son courage.
A la violence des expériences (qu’il s’agisse des violences subies mais aussi la violence d’être ignorée), Matsubayashi Urara oppose une forme de générosité. Celle-ci n’élude pas le caractère profondément choquant de telles affaires, à l’image de la scène de conférence de presse où des journalistes, face à un agresseur, continuent de poser des questions superficielles, avant qu’une victime prenant la parole ne se fasse confisquer son micro. Ce type de violence et de silence imposé arrive aussi chez nous : à la Cinémathèque également, on confisque le micro des femmes qui témoignent. Mais, à l’image de son utilisation de la musique, Matsubayashi Urara choisit d’accompagner ses héroïnes dans la douceur. Ce sont des faits qui deviennent publics, mais c’est aussi une histoire de questionnement intime, de bienveillance envers avec soi-même. Avec une simplicité assez poignante, le film ouvre une porte en même temps qu’une discussion.
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par Nicolas Bardot