Festival des 3 Continents | Critique : Black Box

Au Japon, porter plainte pour agression sexuelle est synonyme de mise en péril, d’autant plus quand l’agresseur est un journaliste connu, proche de l’ex-premier ministre Shinzo Abe. Shiori Itō a pourtant pris le risque de parler à visage découvert. Face à l’indifférence de la société japonaise et aux failles de son système judiciaire, elle n’a eu d’autre choix que de mener l’enquête sur sa propre affaire, pour obtenir justice et découvrir la vérité.

Black Box 
Japon, 2024
De Shiori Itō

Durée : 1h43

Sortie : prochainement

Note :

JOURNAL INFIME

« Laissez-moi vous raconter mon histoire ». La réalisatrice japonaise Shiori Itō nous adresse ces mots les yeux dans les yeux, se filmant dans l’intimité de sa chambre avec son téléphone et nous mettant d’emblée dans la position de confident. Son nom est certes déjà connu de beaucoup depuis qu’elle a pris le risque de dénoncer publiquement son agresseur sexuel, un célèbre journaliste proche de la police et de l’ancien premier ministre Shinzō Abe, mais en réalisant elle-même ce documentaire retraçant cinq années de parcours judiciaire et de scandale médiatique, Itō reprend le contrôle de son propre récit.

Jeune femme éduquée et qu’on devine d’un milieu social aisé, à la carrière internationale (elle s’adresse d’ailleurs souvent en anglais dans le film), Shiori Itō n’a aucune naïveté sur l’incapacité archaïque du système pénal judiciaire supposé répondre aux affaires de viol. Cela va du plus minable (la police ne trouve rien de mieux à lui demander que de reconstituer la scène à l’aide… d’une poupée gonflable) au plus glaçant. Jusqu’à une modification datant seulement de l’an dernier, la loi japonaise ne prenait effectivement pas en compte l’absence de consentement, ce qui autorisait donc son agresseur à dire en toute mauvaise foi qu’il n’avait enfreint aucune loi en la forçant à avoir un rapport sexuel.

La violence de cette absence de réponse pénale, associée à celle du scandale politique qui lui ont valu de nombreuses insultes, a de quoi faire froid dans le dos. La cinéaste n’a d’ailleurs pas peur de mettre les points sur les i en évoquant sa tentative de suicide ou les menaces de mort qu’elle a reçues. Malgré tout cela, il se dégage de Black Box un sentiment de paix inattendu, qui tient sans doute moins à l’accomplissement de la justice qu’au sentiment de triomphe d’avoir fait bouger les mentalités. Plusieurs séquences du film sont même baignées d’une douce bienveillance, à l’image d’un délicat message d’avertissement placé en ouverture.

Ce documentaire évoque des choses suffisamment violentes pour se permettre de les aborder avec une sorte de sourdine. Moins qu’un cinglant tableau renvoyé à la figure de la misogynie de la société japonaise, Black Box est davantage un autoportrait humble et thérapeutique. Construit en temps réel, cette mosaïque de moments captés sur le vif ne possède pas toujours le tranchant attendu mais offre un instantané vivant et très contemporain.

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par Gregory Coutaut

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