Critique : Almamula

Dans son quartier à Santiago del Estero, au nord de l’Argentine, le jeune Nino est régulièrement la victime d’actes homophobes parce qu’efféminé. Afin de le protéger, sa mère très croyante emmène toute la famille à la campagne pour les vacances d’été. La forêt près de la maison a la réputation d’être hantée par l’Almamula, un monstre qui, selon la légende, enlève tous ceux qui commettent des péchés charnels. Nino se sent étrangement attiré par la forêt maudite.

Almamula
Argentine, 2023
De Juan Sebastian Torales

Durée : 1h34

Sortie : 07/08/2024

Note :

GOÛTER LES PLAISIRS QUE DIEU PUNIT

Cela ne manque pas d’ironie pour un film queer : Almamula débute dans un placard. Nino et un autre garçon s’y sont refugiés moins pour s’embrasser en cachette que pour fuir leurs agresseurs homophobes. Or, les placards ne restent jamais de bonnes cachettes très longtemps : Nino est vite retrouvé et passé à tabac en pleine rue par une bande de gamins débiles et violents. On devine que cette situation n’est une première fois pour aucun des partis impliqués puisque la mère de Nino prend rapidement une décision radicale : quitter la ville pour aller s’installer en forêt.

Inscrit dans une sorte de camp d’été religieux aux prêches désuets et inoffensifs, Nino se retrouve du jour au lendemain face à une immense jungle aussi mystérieuse que luxuriante, où les feuilles luisent d’un appétissant éclat. Les corps des bucherons et autres travailleurs du coin éveillent en lui de nouveaux désirs plus concrets que ses amourettes de placard, mais le danger rôde. On dit que la forêt est le refuge de l’Almamula, une créature féminine surnaturelle qui punirait ceux qui abusent des plaisir de la chair. D’ailleurs, les rares gaillards à oser s’y aventurer le chuchotent à peine entre eux : un jeune garçon de l’âge de Nino vient justement de disparaitre sans laisser de trace.

Pas besoin de plus pour que l’imagination de Nino le pousse à s’imaginer finir dévoré tout cru par on ne sait quel loup. Pas besoin de plus également pour le cinéaste argentin Juan Sebastian Torales qui préfère la suggestion à la représentation, ce qui peut s’avérer un peu frustrant sur la longueur mais qui fait finement sens pour un film sur le désir. L’horreur et la sexualité restent en effet entièrement hors-champ, laissant place à une atmosphère de langueur suggestive. Visuellement alléchant grâce notamment au joli travail du chef opérateur Ezequiel Salinas (déjà remarqué dans Julia y el zorro), Almamula reste bien sage mais attachant, et offre en conclusion une morale joyeusement immorale.

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par Gregory Coutaut

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