La peintre Wilhelmina Barns-Graham est l’une des femmes les plus importantes de l’art moderne britannique. Son œuvre a été profondément marquée par un événement charnière de sa vie : en mai 1949, elle monte au sommet du glacier de Grindelwald en Suisse et cette expérience va transformer sa façon de voir le monde.
A Sudden Glimpse to Deeper Things
Royaume-Uni, 2024
De Mark Cousins
Durée : 1h28
Sortie : –
Note :
TOUT BASCULE
A Sudden Glimpse to Deeper Things est déjà le huitième long métrage de l’intarissable documentariste écossais Mark Cousins, rien que depuis 2021 ! C’est aussi l’un des très rares longs métrages du cinéaste, connu pour son ambitieuse série de films The Story of Film, à ne pas parler directement de cinéma. La figure centrale à laquelle il s’attache cette fois est sa compatriote, l’artiste peintre abstraite Wilhelmina Barns-Graham. Pas de cinéma donc, mais il est bien sûr à nouveau question du regard, puisque c’est là aussi un fil rouge qui traverse l’œuvre de Cousins, cinéphile menacé de cécité, comme il en témoignait dans son documentaire judicieusement nommé The Story of Looking. Car regarder, c’est déjà mettre en scène.
En 1949, Barns-Graham décide d’escalader un glacier en Autriche. Cette anecdote qui ne retiendrait pas forcément l’attention des biographes, Cousins en fait au contraire la pierre angulaire non seulement de son documentaire, mais de l’œuvre entière de cette artiste. L’enthousiasme de Cousins est contagieux… jusqu’à un certain point. Avec sa manière de passer du coq à l’âne, de superposer sans chichi archives, reconstitutions en abstractions (le tout saupoudré de la voix off de Tilda Swinton), A Sudden Glimpse to Deeper Things a pour mérite de ne pas ressembler à un documentaire classique et biographique, et d’offrir des clés ludiques pour décoder des œuvres parfois ardues.
Barns-Graham utilisait régulièrement pour ses toiles une sorte de grille mathématique ainsi qu’un alphabet alternatif des couleurs. Cette approche scientifique est très intrigante mais donne à son œuvre une certaine aridité géométrique, et cette aridité devient à son tour la limite du film de Cousins. A Sudden Glimpse peine en effet à ternir la longueur, et finit par se perdre entre apartés superflus et diaporamas répétitifs. Ce n’est pas que Cousins n’a plus rien à dire, c’est plutôt que sa volonté est moins d’expliquer que de tenter de recréer par la mise en scène le gigantesque basculement de regard de l’artiste. Cette noble ambition s’essouffle a mi-parcours mais elle offre à plusieurs scènes une intensité surréaliste notable.
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par Gregory Coutaut