Festival de Rotterdam | Critique : A New Old Play

Le clown d’une troupe de théâtre renommée décède, et est accueilli dans les Enfers. Tandis qu’il revit une dernière fois ses souvenirs avant d’entrer dans l’au-delà, 50 ans d’art, de lutte et d’amour se jouent et illustrent l’histoire tumultueuse de la Chine du 20ème siècle.

A New Old Play
Chine, 2021
De Qiu Jiongjiong

Durée : 2h59

Sortie : –

Note :

MON VINGTIÈME SIÈCLE

Où sommes-nous ? Lors de la première scène de A New Old Play, on ne sait pas immédiatement si l’on est posé sur une scène de théâtre ou plongé dans les profondeurs de l’au-delà. Le long métrage-fleuve (3 heures) du Chinois Qiu Jiongjiong, primé à Locarno, exploite au mieux cette hésitation. Car A New Old Play raconte l’histoire d’un acteur d’opéra du Sichuan, ainsi que l’histoire d’un pays, tout cela à travers des motifs empruntés à la scène.

L’artificialité et la théâtralité sont tout à fait assumées dans le film, et ce avec une remarquable inventivité formelle. Les tableaux d’une beauté onirique se succèdent, et l’usage de toiles et de carton-pâte n’empêche nullement le long métrage d’être esthétiquement très ambitieux, moderne et visuellement généreux. Lors d’une des plus belles scènes, Qiu suggère un bombardement en filmant la maquette d’une ville au-dessus de laquelle une toile se retrouve tailladée. La frontière entre procédés cinématographiques et théâtraux, inédits ou traditionnels, devient finalement assez vite obsolète – « une pièce nouvelle raconte toujours des histoires anciennes », entend-on.

Narrativement, A New Old Play n’a à nos yeux pas le même souffle. Son récit a beau couvrir des décennies de tumultes et de troubles politiques, son déroulé est un peu statique. C’est en quelque sorte l’envers de Vivre et chanter de Johnnie Ma, sorti chez nous en 2019, où le destin d’une troupe d’opéra du Sichuan était raconté avec une ambition esthétique moindre mais l’écriture était plus chaleureuse et vivante.

A New Old Play, néanmoins, impressionne. Si le film est parfois épuisant, il est sans cesse étonnant et ne ressemble qu’à lui-même. La majestueuse dimension picturale du long métrage, ses travellings en forme de rouleaux, rappellent que Qiu Jiongjiong est peintre lui-même. Cette fusion des influences en termes de représentation et de narration par l’image est stimulante et évoque un singulier mélange, pour prendre des références plus occidentales, entre Peter Greenaway et Jean-Paul Goude. Ce surprenant voyage esthétique et politique vaut assurément le détour.

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par Nicolas Bardot

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